Roman de Renart

Intérêt
Le Roman de Renart est un recueil de récits médiévaux français des XIIe et XIIIe siècles ayant pour héros des animaux agissant comme des humains.


Table des matières

1. Premières approches


Dès le XIIe siècle, la bourgeoisie possède sa propre littérature, véritable satire sociale avant la lettre. Elle est par essence malicieuse, pittoresque, parfois grivoise ou, à l’inverse, morale, mais le plus souvent réaliste. Il nous en reste essentiellement des fabliaux (Estula, Le lévrier et le serpent, Maître Pathelin, Moniage Guillaume, La Mort Artu ...) et surtout, le Roman de Renart.

Ce dernier est une œuvre composée de courts récits indépendants, quelquefois en prose, le plus souvent en vers octosyllabiques. Ils sont écrits en français, langue romane, d’où le nom roman, il en existe 26 branches rédigées, au cours des temps, par des auteurs différents. Le Roman met en scène des animaux, dont les deux principaux : le loup « Ysengrin » et surtout le goupil « Renart », le si célèbre héros, sont ennemis jurés. Le roi-lion, quant à lui, sert d’arbitre.



2. Interprétations


Ces textes satiriques remplissent diverses fonctions :

  • il jouent le rôle de critique sociale, par l'attaque des classes dominantes ; parodie des chansons de geste et romans courtois, mêlée d'anticléricalisme dénoncent ces classes, incapables de nourrir les petites gens.
  • un rôle psychologique (voire cathartique) : par la transgression de tabous religieux (Dieu est absent des récits), alors que l'antagonisme central entre Renart et Ysengrin fait appel à la scène primitive (le viol de la louve).

Toutefois, Renart dénonce (la faim, la violence, la bêtise...), mais ne propose rien : ce n'est pas son affaire !

Les œuvres les plus tardives (Renart le Bestourné (à l’envers) de Rutebeuf, ou l’anonyme Renart le Contrefait, (1319-1342) accentuent encore la dimension satirique.

En fait pour certains, Renart, représenterait le petit peuple, toujours prêt à mille « jongleries » pour survivre ; Ysengrin incarnerait quant à lui la bourgeoisie, lourde et patentée ; Grimbert, le blaireau personnifierait le clergé et Brun, l'ours, la noblesse.

Pour d'autres (qui semblent aller encore plus loin), il s'agirait d'une mise-en-scène de la cellule primaire : la famille. Goupil serait la femme, un peu rusée, un peu sorcière et l'ours, l'éternel mari – fort et brutal – toujours prêt à profiter, mais finalement toujours berné. Le patriarche de cette famille serait le lion ; le corbeau, la belle- mère ; l'ours: le beau-père, etc. D'ailleurs, ces rôles « traditionnels », se retrouvent, quasiment à l'identique, dans plusieurs autres cultures européennes (Finlande, Suède, Roumanie, Russie), ou même orientales (Chine, Inuits, Mongolie...).

Les frères Grimm y voient une « épopée animalière (Thiersage) venue de Germanie via Tacite. Ce qui lui conférerait des racines indo-européennes ».

Alors, les auteurs du Roman (seraient-ils), des peintres animaliers ? Non, peu leur chaut ; le monde des animaux, miroir du monde humain, sert avant tout à critiquer celui-ci. Les auteurs se moquent de tout, des chevaliers aux pèlerins, de la justice aux courtisans, montrant partout l'hypocrisie. Successeur d'Ésope, il préfigure les fables de La Fontaine.

Et si en fin de compte, Renart, dans ce cycle interminable, avait créé un autre univers : le sien ?

Bref, ces récits sont si riches que chacun peut y trouver ce qu'il y cherche ! De toute façon, c'est toujours Renart qui gagne...


3. Origines


3.1. Origine des noms


  • Renard (ou Renart) est un nom de personne d’origine germanique : Raginhard (ragin = conseil + hard = dur). Faut-il le rappeler, le nom commun renard est au départ un prénom, et c’est la popularité du goupil, nommé Renart qui en a fait peu à peu un nom commun.
  • Dérivés :
    • Raynard, porté notamment en Vendée, Puy-de-Dôme et la région lyonnaise. Variantes : Raynart, Rainart (06), Rainard (79, 86).
    • Regnard, porté notamment dans l'Yonne et la Somme, c'est un nom de personne d'origine germanique identique à Renard. Variantes : Regnart (51, 80) ; Réginard.
    • Reynard, porté dans la région lyonnaise et le Vaucluse.
  • Dans le poème de Nivard de 1148, plusieurs animaux retrouvent un nom fixé, de longue date, par la tradition. Ce sont : Reinardus le goupil, Balduinus l'âne, Bruno l'ours. Le nom des autres animaux ne reparaissent plus... Inventés pour la circonstance, ils disparaîtront avec leur auteur.
  • En Allemagne, de nos jours, Reinhart est un patronyme assez courant. D'ailleurs, nous retrouvons dans le « Glichezâre » : Reinhart pour Renart, Dieprecht pour Tibert, Diezelin pour Tiécelin. Par de singuliers échanges, ces noms d'origine mérovingienne (donc germanique) paraissent avoir ensuite été latinisés puis récupérés par le français, avant, d'être de nouveau germanisés puis enfin refrancisés définitivement (?).
    • Ainsi goupil vient du latin Vulpes mais les Francs lui préfèrent le terme mérovingien Reinhardt qui sera une première fois francisé en Reynard (ou Reynart), repris en allemand tel quel, latinisé en Reinardus puis Renardus avant d’être définitivement refrancisé en Renart ou Renard. Il faut l’avouer, ces transformations sont assez complexe et on pourrait facilement y perdre son latin !
  • Quant à Ysengrin, Ysen-grin, il signifie en flamand « féroce comme le fer » ou « casque de fer ».


3.2. Origine des textes


Ces textes sont issus d'une longue tradition de récits animaliers en latin, notamment :

  • L’Ysengrinus, ainsi que des fables ésopiques regroupées au Moyen Âge dans des recueils nommés « Isopets ».

Elle peut se retouver dans :

  • des contes populaires, sans doute de tradition très ancienne pour quelques-uns (liés à la sédentarisation pendant la préhistoire ?)
  • des auteurs latins (Ésope)
  • des poèmes en bas-latin, surtout :
    • La Disciplina clericalis, recueil « d’exempla » (petits contes moraux) d’origine orientale composée en latin vers 1110 par Pierre Alphonse, médecin sépharade converti au christianisme. On y trouve des récits promis à un succès durable dans la littérature européenne comme la première élaboration connue du « Conte du loup et du renard dans le puits » (branche IV du Roman) ou des récits fournissant l’intrigue d’autres fabliaux célèbres.
    • l’Ysengrinus : 6 500 vers en distiques latins (où l’on trouve pour la première fois, le personnage de Reinardus) du clerc flamand Nivard de Gand ; ce dernier l’écrivit en 1148-1149 sous le titre premier de « Renardus vulpes ».
  • des récits de Marie de France, parus en 1152.

Le Roman de Renart n’est pas un texte unique, mais un ensemble disparate de récits en vers (octosyllabes) de diverses longueurs, appelés dès le Moyen Âge « branches » ; on en dénombre 25 à 27 de 300 à 3 000 vers, soit quelques 25 000 vers. La branche I, la plus ancienne (v. 1170) est attribuée à Pierre de Saint-Cloud. Dès le XIIIe siècle, les branches sont regroupées en recueils, introduisant une certaine unité.

On trouve un Renart en allemand v. 1170 : en Alsace, un trouvère nommé Heinrich der Glichezâre » (Henri l’Hypocrite) produisit un « Reinhart Fuchs » qu’il jurait autobiographique. Vers 1250, paraît « Reinaert de Vos », en flamand, composé en deux parties par deux auteurs différents, dont le premier, le trouvère Willem, qui travaillait en Flandre Orientale, était un poète au talent reconnu.


4. Les textes


4.1. Les auteurs identifiés

L’un des premiers auteurs connus en est Pierre de Saint-Cloud, érudit, qui fit paraître dans la première moitié du XIIe siècle Les enfaces Renart (L’enfance de Renard - Branche II). Tel quel, ce texte de près de 1100 vers est assez difficile à lire, en voici cependant un court extrait :

"Seigneurs, oï avez maint conte
Que maint conteres vos aconte,
Conment Paris ravi Helayne,
Les maux qu'il en ot et la paine, 4
De Tristram qui La Chievre fist,
Qui assez belement en dist
Et fables et chançons de geste,
Romanz de lui et de sa geste," 8.

Richard de Lison, est le second auteur clairement identifié : il est un clerc français et écrit vers 1190 (fin du XXe siècle) la branche XII.

Un troisième se présente lui-même «prêtre de la Croix-en-Brie»: il est l'auteur français de la branche IX, au commencement du XIIIe siècle.

4.2. Les branches

Elles ont varié au gré des rééditions.

Branche I ; Si conme Renart manja le poisson aus charretiers, (Comment Renard mangea le poisson des charretiers) , Jugement de Renart. Siège de Malpertuis. Renart Teinturier.
Branche II ; Les enfaces Renart, (L’enfance de Renard) de Pierre de Saint-Cloud.
Branche III ; Si conme Renart fist Ysangrin moine, (Comment Renard fit Ysangrin moine).
Branches IV-VI ; le Puits. Chanteclerc. la Mésange. Tibert. les deux prêtres, les Béliers, la Femme du vilain.
Branches VII-IX ; Renart et le corbeau. le Viol d'Hersent. L'éconduit (l'escondit). le Duel de Renart et d'Isangrin. le Pélerinage de Renart.
Branches X-XI ; Liétard. Renart et la mort de Brun. les Vêpres de Tibert.
Branches XII-XVII ; les Poissons dérobés. Moniage d'Isengrin et la pêche au seau. le Labourage en commun et la collaboration de Renart à l'œuvre du Roi Connin. la Confession de Renart. Isengrin et le prêtre Martin. Isengrin et la Jument. le Bacon enlevé.
Branches XVIII-XIX ; la Mort de Renart. Le Partage du lion. Renart médecin.
Branche XX ; Renart empereur.
Branche XXIV; La naissance de Renart (seconde version): « Lorsque Dieu eut chassé Adam et Eve du Paradis terrestre, il leur remit une baguette magique. Il leur suffisait d'en frapper la mer pour qu'apparaisse aussitôt un animal, Adam fit sortir de la sorte toute les bêtes utiles à l'homme, tandis qu'Eve peuplait la terre d'animaux cruels et sauvages. C'est ainsi que naquit Renart... »


5. Les personnages



5.1. Renart et Ysengrin


Renart : est le goupil espiègle, personnage principal de ces récits. Complexe et polymorphe ( allant du bon petit diable redresseur de torts ( tel Zorro ), jusqu’au démon lubrique et débauché ). Il incarne la ruse intelligente liée à l’art de la belle parole. Ses aventures mettent en scène un monde animal aux caractéristiques largement mais pas totalement anthropomorphiques : la queue souvent dépasse de l’armure.

Il eut un tel succès populaire que son nom deviendra nom commun, remplaçant, dans la langue parlée, celui de " goupil " qui tombera, peu à peu, en désuétude ( quoique des usages épisodiques en soient encore attestés de nos jours ). Messire Renart vit à Mauperthuis. Marié à Hermeline la « goupille », il a au départ 2 fils nommés « Percehaie » et « Malbranche » Plus tard, viendra un troisième fils nommé « Renardel ».

Ysengrin : le loup bête et cruel, éternel ennemi de Renart, toujours dupé. Son épouse Dame Hersent la louve, fut jadis " violée " par Renard, d’où une éternelle rancœur. En réalité elle très secrètement éprise de Renart, au point de laisser ce dernier lui faire l’amour.


5.2. Autres personnages


5.2.1. Personnages principaux


Noble, le lion
Fière, la lionne
Beaucent, le sanglier
Belin ( ou Bellyn ), le bélier Baudoin ( ou Bokart ), l’âne : secrétaire du roi-lion
Brun (ou Bruno ou Bruin), l’ours (d’après la couleur de sa robe)
Chanteclair le coq
Couard, le lièvre
Eme, le singe : époux de Dame Rukenawe, la guenon
Ersewynde ( ou Hersent ), la louve : épouse d’Ysengrin qui fut " violée " par Renart
Grimbert, le blaireau (le taisson) : cousin et défenseur de Renart ; c’est aussi son seul ami. Mais Grimbert ne serait-il pas l’éponyme de Fulbert, le chanoine ?
Grymbart, la renarde : sœur de Renart
Ermelyne ( ou Dame Hermelyne ), la brebis : épouse de Bellyn. Elle a 2 sœurs : Dame Atrote et Dame Weasel.
Dame Rukenawe, la guenon : épouse d’Eme, le singe et tante de Renart. Elle aura 2 gars : Bytelouse et Fulerompe que Renard s’empressera de croquer.
Tibert, le chat
Ticelin, le corbeau


5.2.2. Personnages secondaires


Blanche, l’hermine (parfois confondue avec Hermeline)
Brichemer, le cerf : sénéchal
Bernard, l’âne
Corbant le freux et son épouse Dame Sharpebek
Coupée, la geline
Courtois (ou Courtoys), petit chien
Drouin, le moineau
Hubert, l’escoufle (milan)
Firapel, le léopard
Jacquet, l’écureuil
Dame Mésange, la mésange
Musart, le chameau : légat du Pape
Ordegale, femme castor
Pantecroet, la loutre
Roonel, le mâtin (gros chien)
Tardif, le limaçon
Vader de Lantfert  : fils de Dame Pogge de Chafporte et de Macob

5.2.3. Personnages non (ou mal) identifiés

Maître Akeryn
Aue et Baetkyn
Abelquak
Dame Baue
Dame Julocke
Dame Slopecade


6. Le Roman dans l'histoire

Jusqu’à Lucien Foulet (1873-1958), on considère que la composition du Roman s’échelonne de 1174 à 1250. Une trentaine d’auteurs y contribuent.

Rutebeuf écrit plus tard un Renart le bestourné, et Jacquemart Gelée de Lille, un Renart le Nouvel. Le Couronnement de Renart (anonyme) daterait de la seconde moitié du XIIIe siècle. Au XIVe siècle, on aurait réécrit au moins deux fois Renart le Contrefait : la seconde réécriture, véritable somme, ne compte pas moins de 40 000 vers (produits entre 1319 et 1342).

Jusqu'à notre époque, de nouveaux fabliaux ou contes faisant intervenir Renart sont encore créés.


7. Texte et bibliographie

  • Ms. 12584, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits (XIVe siècle. Provenance : bibliothèques de Sedan et du duc de La Vallière ; ouvrage numérisé disponible en ligne : [1])
  • Édition d'Ernest Martin : Ernest Leroux, Paris, 1882 (ouvrage numérisé disponible en téléchargement ci-dessous ; source : [2]).
  • Réédition du Manuscrit de Cangé par Mario Roques, 1958.
  • Réédition d'Honoré Champion, 1960-1983.
  • Édition de Félix Lecoy d'après le manuscrit Cangé. 1999 [160 pages].
  • Éditions d'Art H. Piazza, 1966. Couverture et ornements decoratifs par Jan-Loïc Delbord, 204 p.
  • Édition de référence (texte intégral) : Bibliothèque de la Pléiade, avril 1998.


7.1. Bibliographie en Français


  • Léopold Sudre, Les sources du Roman de Renart. Émile Bouillon, Paris, 1893, à feuilleter ci-dessous (requiert Adobe Flash).
  • Elisabeth Schulze-Busacker, Renart, le jongleur étranger : analyse thématique et linguistique à partir de la Branche Ib, in Actes du IIIe Colloque International « Beast Epic, Fable and Fabliau », Münster 1980, Köln / Wien (Böhlau), 1982, p. 380-391.


7.2. Bibliographie en langues étrangères


  • Anthony Lodge, The Earliest Branches of the « Roman de Renart », Éditions Peeters, Louvain, Paris, 2001.
  • The Romance of Reynard the Fox. Ed. and trans. Roy Owen. Oxford: Oxford UP.
  • Antonio Domínguez, El Roman de Renard y la cuentística española : In Estudios en Homenaje al Dr. Antonio Beltrán Martínez, Zaragoza: Facultad de Filosofía y Letras de la Universidad de Zaragoza, 1986. 953-68.
  • Carlos García Gual, El Roman de Renard : carrera de un héroe anticaballeresco, In García Gual, Primeras novelas europeas. 2ª ed. Madrid: Istmo, 1988. 277-89.




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Sujets Licence GFDL · Contes, fables et légendes · Manuscrit du Moyen Âge
 
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Recommandations

Fable de Jean de La Fontaine (texte intégral en ligne).

Le mot renard désigne différents mammifères carnivores de la famille des Canidés, souvent du genre Vulpes, proche du loup.




Commentaires


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dimanche 03 août 2014 – Anonyme
Intérêt
bonjour,

le site wikipédia a été corrigé depuis ! Merci !





samedi 14 juin 2014 – Anonyme
Intérêt
Lire le roman de Renart en ligne : http://roman-de-renart.blogspot.fr





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