1. Genèse de l'Arts & Crafts
Il fait suite au mouvement des pré-raphaélites dont sont issus John Ruskin et William Morris. Si le premier en est devenu le chef philosophique, c’est le second qui en a pris la tête. Le tome II de l’ouvrage de John Ruskin intitulé The Stones of Venice (1853), notamment son chapitre The Nature of Gothic, résument la profession de foi du mouvement.
Son nom, lui-même, vient de l’ Arts and Crafts Exhibition Society, fondée en 1887, et qui commença à faire ses premières expositions à Londres en 1888 dans la New Gallery de Regent’s street, avec la Century Guild, la Morris & Co. et la Guild of Handicraft (fondée en 1888, elle avait Charles. R. Ashbee à sa tête en collaboration avec Lewis F. Day).
Le mouvement fait écho aux préoccupations, modernes à l'époque, des artistes-artisans confrontés au progrès technique : inquiétude, besoin d'individualisation et recherche de véritables valeurs dominent alors, résultat d'un paradoxe qui semble insolvable.
La Grande-Bretagne d'alors, en effet, domine le monde par l'étendue de ses territoires, par la puissance de sa marine, par son avance technologique et industrielle et par la nouvelle organisation sociale qu'elle a engendrée.
Or, celle-ci produit simultanément des richesses éclatantes et des vies opulentes, mais aussi une pauvreté et une dureté de vie sans précédents. Les usines à charbon crachent leurs fumées noirâtres dans le ciel de Londres et des autres grandes villes industrielles de l’île, couvertes d’un smog presque permanent. Le problème de la pollution apparaît, suscité par la concentration des usines et des populations ouvrières. De nouvelles maladies, physiques comme la tuberculose, ou sociales, comme l’insécurité se répandent, tandis que l’« individu » semble nié par le travail à la chaîne.
Quelques intellectuels commencent à prendre conscience de ces effets et à s'en inquiéter :
- John Ruskin est un poète et un écrivain, passionné par la période médiévale gothique, alors en voie de redécouverte. Il voyage à travers toute l'Europe pour en dessiner les monuments. Pour lui, l'idéal artistique naît de la réunion des compétences et non de leur concurrence.
- William Morris est un fabriquant de meubles et d'objets d'art qu'il sait dessiner, mais il est avant tout un chef d'entreprise et un expert en tapis persans.
2. Une utopie en mouvement
Dans le domaine des Arts décoratifs, la première moitié du siècle est marquée par un désert : le mobilier de piètre qualité est fabriqué en série. Or, pour ces artistes le bonheur réside dans l'artisanat, car un ouvrier ne peut s'épanouir et être fier de son ouvrage, que s'il participe à chaque étape de sa réalisation et de sa fabrication.
Il est donc urgent, à leurs yeux, non seulement de réhabiliter le travail artisanal, mais de sauvegarder et de réapprendre les techniques traditionnelles. Rapidement, ils se trouvent à l'origine de la fondation de nouvelles écoles, pour former les artisans à la tapisserie, à la broderie, à l'impression à la planche, à l'émaillage, à la dinanderie, à la poterie, aux teintures naturelles, aux textiles tissés (avec les métiers à tisser Jacquard), à la marqueterie et à l'ébénisterie.
Une autre de leurs idées, est qu'on ne peut faire du bon travail, que si on vit et on travaille dans un environnement sain et agréable. Partageant ce constat, des communautés d'artisans quittent donc la ville et partent s'installer, plus près de la nature, dans les districts campagnards. Cet exode est favorisé par le développement des chemins de fer. Dans cette ambiance, les ouvriers-artisans, s'intéressent à la culture, en participant à des concerts et à des pièces de théâtre. Ils découvrent la cuisine végétarienne. Les dames s'habillent en paysanne et abandonnent le rigide corset victorien.
Leur grande idée, en définitive, est que l'art doit intervenir en tous lieux et dans toutes les étapes de la vie quotidienne. Il doit le faire, en premier, dans la maison pour repenser les objets usuels : vaisselle, argenterie, reliure, tapis, luminaires..., idée fondatrice du design. Les créations sont réalisées soit sur commande, en pièce unique, soit en petites séries, diffusées dans les catalogues des magasins londoniens.L'Arts & Crafts est ainsi le premier mouvement artistique qui rapproche les Beaux-Arts des Arts appliqués.
Pour y parvenir, ses artistes-artisans mettent en avant le matériau : les meubles se font en bois massif, le martelage de l'argenterie et de la dinanderie se fait à la main, etc. En réaction aux atmosphères surchargées des intérieurs de la bourgeoisie victorienne, ils s'ingénuent à promouvoir la simplicité, voire le dépouillement, estimant qu'un beau mobilier se suffit à lui-même. Dans leurs œuvres, surgissent alors tout naturellement les végétaux et les animaux, symboles du vrai, mais épurés.
3. Une Influence durable
L'utopie qu'engendre l'Arts & Crafts essaime dans le monde entier :
- En Europe, ses idées sur la relation entre les arts et les métiers et celles sur la simplicité et sur l’utilisation de formes et de matériaux naturels se diffusent sur le continent. Elles inspirent des artistes comme le Belge Henry Van de Velde et des groupements tels que les hollandais De Stijl, les Viennois de la Sécession ou, plus tard, le Bauhaus allemand : l’Arts & Crafts peut être considéré comme le prélude au Modernisme, dans la mesures où les formes pures, dépouillées de toute association historique, sont appliquées de nouveau à la production industrielle pendant les années 1930.
- Aux États-Unis, l’expression « Arts & Crafts » n’est généralement employée qu’au sujet du mouvement de design qui s’y développe entre les ères dominantes de l’Art Nouveau et de l’Art Déco, plus précisément entre 1910 et 1925. Néanmoins, les idées du mouvement – en particulier celles sur la quête des racines – portent leurs fruits dans divers domaines :
- À Chicago, la Prairie School est fondée et menée par l’architecte Frank Lloyd Wright : son objectif est l’aménagement d’intérieurs abordables pour la classe moyenne.
- À Syracuse (État de New York), Gustav Stickey, idéaliste doublé d'un homme d'affaires avisé, est un fervent défenseur du mouvement et développe le mobilier « Mission ».
- Les frères Henry et Charles Greene popularisent quant à eux le style « bungalow » pour les habitations.
- La poterie de studio, dont le meilleur exemple est donné par la poterie de Rookwood, et la poterie de Pewabic à Detroit, ou les meubles idiosyncratiques de Charles Rohlfs démontrent également l'influence évidente du mouvement. Etc.
- Au Japon surgit un mouvement Mingei, dont le style est lui aussi en réaction contre l’urbanisme grandissant, et prône le réveil des traditions et la beauté dans les objets de tous les jours.
4. Quelques artistes et artisans significatifs
- Charles Robert Ashbee
- Edward Burne-Jones
- Lindsay P. Butterfield
- Walter Crane
- Lewis F. Day
- William De Morgan
- John Henry Dearle
- Les frères Henry et Charles Greene (États-Unis)
- Josef Hoffmann (Autriche)
- George W. Jack
- Gertrude Jekyll
- Serizawa Keisuke (Japon)
- Archibald Knox
- Bernard Leach
- Charles Rennie Mackintosh
- Koloman Moser (Autriche)
- William Morris
- William Robinson
- Charles Rohlfs
- Thomas James Cobden Sanderson
- M. H. Baillie Scott
- Hamada Shoji (Japon)
- Gustav Stickley (États-Unis)
- C. F. A. Voysey
- Henry van de Velde
- Philip Webb
- Frank Lloyd Wright (États-Unis)
5. Liens
- William Morris — The Arts and Crafts Movement
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Sujets Mouvement artistique · L'Art nouveau
Catégorie (1) Arts décoratifs, dessinÉvaluationContenu sous droits d'auteur — Dernière mise-à-jour : 2021-07-08 13:11:12
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