Arrête-moi si tu peux de Steven Spielberg

Intérêt
Ce film de Steven Spielberg, à l’opposé du sombre A.I. Intelligence Artificielle, propose une agréable comédie à la fois légère dans sa forme et grave dans son propos par ses références à la vie même du réalisateur.


Table des matières

1. Analyse


Très réussi, le générique de début, en forme d’images animées, donne le ton du film : une comédie légère qui ne se prend pas au sérieux. Ce qu’elle est, à l’évidence. Pourtant, au-delà de cette fantaisie, le spectateur attentif ne sera pas dupe des intentions du réalisateur. En effet, déjà perceptible dans Minority Report [1], la dimension autobiographique du dernier film de Spielberg apparaît encore plus évidente dans Arrête-moi si tu peux. Il s’y mêle par ailleurs une non moins claire allusion à la création cinématographique.

En choisissant de retracer l’histoire vraie de Frank Abagnale (interprété par Leonardo Di Caprio), Spielberg est en terrain familier par une double similitude entre Frank et lui-même : en 1963 (époque où se situe l’histoire du film), il a le même âge que son personnage. Surtout, il a vécu lui-même le drame de la séparation de ses parents (interprétés par Christopher Walken et Nathalie Baye) dont il ne s’est pas remis. Et, précisément, le point de départ du récit est le divorce des parents. C’est alors que le jeune Frank fugue et se lance dans la fraude : émettre des faux chèques ; usurper des identités ; se faire passer successivement pour un copilote d’avion, puis pour un médecin avant de réussir le concours d’avocat. Bref, Frank vit dans l’illusion et l’irréalité les plus totales en s’inventant des vies différentes.

Or, précisément, n’est-ce pas ce qu’a fait Spielberg tout occupé à nourrir les rêves de son cinéma, du Cinéma qui, par définition, nous sort de la réalité pour nous faire vivre une ou deux heures de pure illusion ? Frank est d’ailleurs plusieurs fois montré devant la TV (qui lui permet d’apprendre comment font les médecins dans les Séries, avant de les imiter «pour de vrai») et dans une salle de cinéma où l’on projette un James Bond, Goldfinger, (dont il cherche à reproduire l’aisance, la désinvolture et le charme). Il s’agit ici d’évoquer la séquence irrésistible de drôlerie où il entraîne, à la manière d’un James Bond séducteur, une demi douzaine d’hôtesses de l’air toutes plus charmeuses et enjouées les unes que les autres. Ne peut-on y voir le rêve réalisé de tout adolescent qui s’imagine une vie future où l’on est fortuné et où l’on s’imagine au bras de filles magnifiques ? Ne peut-on décoder, par ailleurs, cette séquence comme illustrant symboliquement le pouvoir de tout réalisateur de film entouré des plus belles actrices qu’il a, qui plus est, lui-même engagées pour être SES interprètes ? Mais, à l’inverse, Spielberg semble rappeler que si le spectateur vit d’illusions par le cinéma, il lui est toujours possible d’imiter le cinéma dans sa propre vie : au lieu de vivre par procuration à travers les héros des films, le spectateur peut décider de vivre dans la vie ce qu’il a vu au cinéma, à l’instar de Frank apprenant le rôle du médecin grâce à une série télévisée.

Le refus de Frank de comprendre – et donc d’accepter – la réalité de la séparation de ses parents explique son vain désir de les réconcilier un jour en accumulant de l’argent (plus de 2,5 millions de dollars escroqués dans plus de vingt pays !), cet argent qui, d’après lui, manque à son père pour reconquérir sa mère. Frank, porteur de ce regard éternellement « enfant » (celui même de Spielberg), ne peut – malgré tous ses efforts pour y accéder – reconstituer une famille avec femme et enfants. Il faudra la double révélation de la mort du père et de la vision cruelle de la mère remariée (une scène magnifique qui reprend, autrement, la scène de l’abandon dont le robot de AI, Intelligence artificielle [2] est la victime!) pour qu’il retrouve le sens des réalités. Il est temps d’évoquer le personnage de l’agent du FBI, Carl Hanratty (interprété par Tom Hanks), lancé à sa poursuite, et de préciser que celui-ci l’accompagne dans sa quête, tel un père de substitution qui le pousse à faire le choix d’une vie moins brillante mais stabilisée.

Le film qui, passé le préambule, n’était que mouvement (de la fugue initiale à la fuite effrénée) s’achève dans l’immobilité d’un bureau quasi anonyme. Cette course éperdue à une vie riche et brillante pour compenser la douleur née de la déchirure des parents et pour entretenir l’espoir de les réunir un jour laisse donc place à l’acceptation et à la prise en compte de la réalité. «Ne cours plus, Franck, il n’y a personne derrière toi !», lui dit Carl : exorcisant les fantômes de l’enfance, Frank devient adulte et accepte une réalité terne. Dans ce fascinant jeu de miroirs que propose le film, on peut légitimement se demander où se situe Spielberg. N’est-il pas, finalement, tout à la fois Frank par son enfance, son adolescence et sa jeunesse et Carl par sa maturité : celui-ci devant conseiller celui-là et celui-là devant accepter ? Déjà, Minority Report associait, à travers les personnages d’Agatha et de John, l’imaginaire (Agatha par ses visions étant l’inspiratrice) et l’action (John réalisant ces mêmes visions). Une dualité qui correspond par ailleurs aux deux âges de la vie : l’enfance et la maturité, ou à la double dimension du rêve et de la réalité.

Le titre français, qui traduit littéralement le titre original, propose un verbe à l’impératif singulier et laisse planer quelques incertitudes sur son sens exact. Est-ce le Spielberg d’aujourd’hui qui s’adresse à cette part ancienne de lui-même ? Ou bien l’imaginaire et le cinéma qui lancent un défi au principe de réalité ?

On ne saurait conclure sans évoquer la distribution parfaite du film. Leonardo Di Caprio, tour à tour charmeur, vulnérable et fragile, est remarquable pendant les 140 minutes. Nathalie Baye campe une mère inédite, à la fois proche et lointaine, aimante et incompréhensible comme le sont les adultes aux yeux des enfants. Christopher Walken, impressionnant, est un père étonnant de détermination et de pathétique. Tom Hanks est égal à lui-même, c’est-à-dire très bon.


2. Synopsis


Dans les années soixante, aux Etats-Unis, Frank Abagnale, déchiré par la séparation inattendue de ses parents, voit son univers s’écrouler et décide brutalement de s’enfuir du domicile familial. Il doit désormais vivre par lui-même sans l’aide de quiconque et compenser l’échec de ses parents, ce qui le pousse à fuir la réalité au profit d’un monde rêvé.

Il vit d’abord d’expédients, puis, découvrant que « l’habit fait le moine », se lance dans une vie d’escroc privilégiant les plaisirs d’une vie fondée sur les changements d’identité et de profession. Usant de son charme et de son culot, il se forge de faux documents et devient successivement pilote de ligne à la Pan American Airlines, puis médecin, assistant du procureur, voire professeur d’université. Par ailleurs, il falsifie des chèques et accumule ainsi, au fil du temps, une somme de plus de deux millions de dollars.

Mais un enquêteur du FBI, Carl Hanratty, se lance à sa poursuite pour mettre fin à ses multiples fraudes. Frank paraît insaisissable, mais Hanratty est patient et tenace. Dans l’ombre, il traque ainsi l’escroc le plus recherché. Sa longue filature le conduit à s’intéresser de très près à la personnalité et au destin de ce « fugitif » au profil si particulier. Peu à peu, une relation singulière se noue entre eux…


3. Fiche technique


  • Titre Original : Catch Me If You Can.
  • Réalisation : Steven Spielberg.
  • Scénario : Jeff Nathanson, d’après le livre de Frank W. Abagnale avec Stan Redding.
  • Directeur de la photographie : Janusz Kaminski.
  • Musique : John Williams.
  • Production : DreamWorks Pictures.
  • Distribution : UIP.
  • Durée : 141 minutes.
  • Date : 2002.

Distribution :

  • Frank Abagnale, Jr : Leonardo DiCaprio.
  • Carl Hanratty : Tom Hanks.
  • Frank Abagnale, Sr : Christopher Walken.
  • La mère de Frank : Nathalie Baye.
  • Brenda : Amy Adams.
  • Le père de Brenda : Martin Sheen.
  • Jack Barnes : James Brolin.
  • Tom Fox : Brian Howe.
  • Earl Amdursky : Frank John Hughes.
  • La Call-girl : Jennifer Garner.


4. Édition DVD zone 2


Éditeur : DreamWorks - Présentation : Snap Case.

  • Image : Cinémascope - 1.85:1 Full Screen (Standard) - 1.33:1. L’image bénéficie de la photographie de Janusz Kaminski qui lui donne une sorte de voile propre à rendre le film comme irréel.
  • Son : Langues et formats sonores : Français (Dolby Digital 5.1), Anglais (DTS), Anglais (Dolby Digital 5.1), Allemand (Dolby Digital 5.1. Sous-titres : Français, Anglais, Allemand, Arabe, Bulgare. Le DTS est d’une grande précision et il est préférable de choisir la VO qui met en valeur voix, musique et bruits ambiants.
  • Suppléments : l’édition propose deux DVD. Sur le DVD 1 se trouve le film ; sur le DVD 2 sont proposés les suppléments suivants : le tournage du film ; les notes de production ; les filmographies ; la galerie de photos et les bandes-annonces. Bref, l’offre est très restreinte !


5. Édition DVD zone 1


Le film est sous-titré en Français et en Espagnol. Déjà paru, le DVD présente les mêmes caractéristiques (2 DVD, format son, etc.) mais les suppléments sont infiniment plus riches et intéressants : derrière la caméra / distribution des rôles / Frank Abagnale entre fiction et réalité / le point de vue du film / court métrage sur la musique, etc. Le tout sous-titré en français ! Bref, mieux vaut le DVD zone 1.



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Droits d'auteur © Henri PHILIBERT-CAILLAT


6. Bande annonce




 
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Contenu sous droits d'auteur — Dernière mise-à-jour : 2016-08-07 14:01:28




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