L'Echine du diable de Del Toro

Intérêt
Ce film réalisé en 2001 par G. Del Toro est très proche dans son inspiration, ses thèmes et sa réalisation, voire plus accompli, que le récent Le labyrinthe de Pan du même auteur.


Table des matières

1. Analyse


Guillermo Del Toro propose avec ce film singulier - Prix du jury et le Prix de la critique internationale au Festival de Gérardmer en 2002 - un conte de fée moderne pour les terreurs qu’il fait surgir, teinté d’un fantastique qui n’est pas sans rappeler le surréalisme d’un Bunuel (on songe bien sûr à la Directrice avec sa jambe-prothèse qui évoque la Catherine Deneuve unijambiste de Tristana). En puisant dans ses souvenirs personnels (Cf. son interview dans les ’Suppléments du Dvd), il installe un inquiétant univers glauque où rien n’est jamais sûr ni rassurant.

Cet orphelinat isolé privé de repère spatial (les seuls plans de l’extérieur montrent une étendue désertique et le village le plus proche est, à ce que l'on dit, à une journée de marche) et où la notion de temps est incertaine (on sait que les Franquistes se rapprochent sans que l’on sache quand ils seront là) est sous la menace verticale de noirs avions qui le survolent régulièrement.

Mais ces dangers extérieurs pressentis, annoncés plutôt que réels, qui environnent et dominent l’orphelinat trouvent pourtant une représentation symbolique à l’intérieur même des bâtiments - ce qui les rend plus tangibles - dans la bombe enfoncée au centre de la cour circulaire qui n’a pas explosé mais qui serait toujours « vivante » aux dires des enfants. Par ailleurs, ils sont incarnés (si l’on peut dire !) par Santi, l’enfant-fantôme, qui prophétise sans cesse « de nombreux morts à venir ».

Surtout, le sentiment de menace naît d’adultes fragiles dont l’autorité n’est qu’apparente tant ils sont en proie à leurs propres insuffisances (impuissance, vie malheureuse, enfance saccagée) et qui se révèlent peu rassurants par leurs désirs et leurs jeux bien plus dangereux que ceux des enfants (goût pour l’or, désirs sexuels, etc.).

Le réalisateur entend montrer par la blessure au front du fantôme-enfant (qui ne cesse symboliquement de saigner) la permanence de la souffrance de toute vie. Et il ne cesse de le rappeler avec un art consommé de la vision en associant vie et mort : on rappellera l’image récurrente de ce bassin plein d’une eau trouble qui peut représenter le liquide amniotique de la vie mais qui sert de refuge au fantôme, donc à la mort ; ou encore ces fœtus, symboles de vie, mais conservés, morts, par le docteur dans ses bocaux. Bref, c’est entre vie pré-natale et mort que se déroule inéluctablement un film multipliant visions surréalistes et fantastiques dans un foisonnement d’images surprenantes et insolites, belles et cruelles, mais toujours magnifiquement filmées. Une réussite !


2. Compléments


Il est justifié de comparer les deux films de Del Toro,L’Échine du Diable et Le labyrinthe de Pan, tant les thèmes et la réalisation sont proches.

L’échine du diable réussit le tour de force d’associer étroitement, voire de « fusionner » les images de vie et celles de mort. Le regard des enfants, qui voient dans les adultes les images de cauchemars et de mort (la menace franquiste symbolisée par cette bombe enfoncée dans la cour), permet au film d’aller des uns aux autres, de la cause à la conséquence (dirais-je trivialement), du fantastique à ce qui le fait naître, la réalité. Et cela justifie ainsi le traitement du thème par une structure dense et cohérente. C’est toute la force du film.

Le Labyrinthe de Pan, à l’inverse, propose deux histoires « séparées » (la guerre des adultes/le conte de fée de la fillette) extérieures, en quelque sorte, l’une à l’autre, et, dès lors, manque de densité, même si, bien sûr, les deux histoires ne sont pas étrangères l’une à l’autre. Par ailleurs, les incohérences du récit (par exemple, pourquoi la servante-résistante ne tue-t-elle pas le colonel au lieu de le mutiler ?), une réalisation maladroite ( Pourquoi, lors de sa fuite à pied, suite à l’action précédente, doit-elle être poursuivie par plusieurs officiers à cheval qui ne la rejoignent qu’au cœur de la forêt, alors qu’elle n’avait qu’une dizaine de mètres d’avance sur eux ?, etc.), la façon théâtrale qu’ont les comédiens de jouer et des dialogues souvent consternants de platitude ne laissent pas d’étonner. Ces multiples faiblesses du film interdisent que l’on s’immerge complètement dans une histoire, des thèmes, des décors et une atmosphère pourtant baroques à souhait. Dommage...

Mais ce n'est qu'un point de vue. Il y a bien d'autres lectures possibles...


3. Synopsis


Dans les années 1930, alors que l’Espagne se déchire dans une guerre civile qui oppose les Républicains aux fascistes, un enfant d’une douzaine d’années, Carlos, sans nouvelle de ses parents, est élevé par son oncle. Mais ce dernier veut pouvoir continuer à se battre contre les Franquistes et se voit contraint de le confier à l’orphelinat catholique de Santa Lucia.

Eloigné de tout, cet établissement a pour directrice Carmen, une femme unijambiste, flanquée d’un assistant, Casarès, un professeur cultivé et poète, avec lequel elle entretient une relation intime.

Dès son arrivée, Carlos est en butte à l’hostilité des autres enfants pensionnaires (et surtout du chef, Jaime, qui incarne la méchanceté), et à Jacinto, sorte d’homme à tout faire de l’orphelinat, qui a séduit à la fois Conchita et Carmen, l'une des rares femmes dans cet univers d'hommes. Il aperçoit aussi, enfoncée dans la cour, une énorme bombe non explosée, qui stagne là comme une menace permanente. Par ailleurs, il découvre deux secrets enfouis au cœur des bâtiments : l’or dissimulé des Républicains et, surtout, dès la première nuit, la « présence » effrayante d’un enfant-fantôme, Santi, mort dans des circonstances restées mystérieuses, qui rôde dans les salles obscures et les bas-fonds humides, et avec lequel il s'efforce vainement de communiquer par tous les moyens.

Pourtant Carlos finit par s’adapter à cet environnement hostile : il commence par sauver Jaime de la noyade et s’attire ainsi les faveurs des jeunes pensionnaires ; surtout, il noue des rapports amicaux avec le professeur Casarès dont il découvre les activités. Ce dernier lui montre un bocal renfermant un fœtus appartenant à un enfant mort de l’échine du diable, terrible maladie qui déforme la colonne vertébrale. Puis, apprenant à maîtriser sa peur lors des apparitions de Santi, il essaie de comprendre ce qu’il veut exprimer.

Mais les combats gagnent en intensité et se rapprochent toujours plus de l’orphelinat que la directrice et le professeur décident enfin d’évacuer. Ils emportent avec eux le trésor des Républicains, mais les manigances de Jacinto, qui veut s’en emparer, provoquent la mort de la directrice, de plusieurs enfants, et blessent le professeur. Ce dernier ne peut empêcher Jacinto d’emprisonner les enfants. Il meurt, mais son fantôme les libère. Carlos et Jaime s’entendent pour faire tomber Jacinto dans le bassin où Santi l’attend pour se venger, car c’est Jacinto qui l’avait tué.

Les rescapés, conduits par Carlos, finissent par quitter l’orphelinat, accompagnés par le fantôme du professeur.


4. Fiche technique


  • Titre original : El espinazo del diablo
  • Année : 2001
  • Réalisation et scénario : Guillermo DEL TORO
  • Co-scénaristes : Antonio TRASHORRAS, David MUÑOZ
  • Directeur de la photographie : Guillermo NAVARRO
  • Musique : Javier NAVARRETE
  • Production : El Deseo / Tequila Gang / Anhelo Producciones
  • Distribution : Mars Distribution
  • Durée : 107 minutes

Distribution :

  • Jacinto : Eduardo NORIEGA
  • Carmen : Marisa PAREDES
  • Le professeur Casares : Federico LUPPI
  • Jaime : Iñigo GARCES
  • Carlos : Fernando TIELVE
  • Conchita : Irina VISEDO
  • Alma : Berta OJEA
  • El Puerco : Francisco MAESTRE
  • Marcelo : Jose Manuel LORENZO




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Droits d'auteur © Henri PHILIBERT-CAILLAT


5. Bande annonce




 
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Contenu sous droits d'auteur — Dernière mise-à-jour : 2016-10-24 12:16:43




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