1. Biographie sommaire
En 552, Carthago Nova (Carthagène) occupée par les troupes de Justinien (527-565), l’empereur byzantin, est reprise et détruite par Athanagild (531-554-567), roi des Wisigoths d’Espagne. Le patricien Sévérien s’enfuit alors avec son épouse et ses deux enfants, Léandre et Florentine, pour s’installer à Séville. Dans cette ville, le couple d’hispano-romains a deux autres enfants, Fulgence et Isidore : ce dernier naît en 560.
Léandre, l'aîné, devient abbé du monastère de Séville et prend son jeune frère Isidore comme élève après en être devenu le tuteur légal à la mort de son père. En 576, il est élu archevêque lorsque le siège de la Bétique (actuelle Andalousie) devient vacant. Après avoir rejeté l'arianisme, il s'attache à instruire Récarède Ier (586-601), et préside, avec lui, le IIIe concile de Tolède, le 8 mai 589, au cours duquel la conversion du roi wisigoth au christianisme nicéen est officiellement annoncée. Il se lie également d'amitié avec le pape Grégoire le Grand.
Sous son impulsion, Séville devient un centre culturel particulièrement brillant, dont la bibliothèque épiscopale – enrichie des nombreux manuscrits qu'il apporte de Rome et de Constantinople et de ceux qu'apportent les chrétiens réfugiés d'Afrique – contient de nombreuses œuvres, tant sacrées que profanes. À l'entrée de la bibliothèque sévillane, on peut lire : « Il est ici bien des œuvres sacrées, bien des œuvres profanes ».
Dans ce contexte, Isidore reçoit une instruction complète et, lorsque Léandre meurt, en 599/600, le clergé suit le souhait de ce dernier et élit à son tour Isidore évêque.
Havre de paix dans l'Occident de la fin du Modèle:VIe siècle, l'Espagne wisigothique est alors appelée à jouer le rôle de conservatoire de la culture antique. Isidore s'emploie à transmettre cet héritage dans toute sa diversité, tout en accordant sa préférence aux grands écrivains chrétiens du IVe au Modèle:VIe siècle, en particulier Augustin (354 – 430), Cassiodore (485 – 580) et Grégoire le Grand (540 – 604). C'est pourquoi manuels scolaires et auteurs classiques s'associent, dans les sources de ses œuvres, aux Pères latins les plus anciens : Tertullien (155 – 222), Cyprien (200 – 258), Hilaire de Poitiers (315 – 367) et Ambroise de Milan (340 – 397).
Conseiller des princes, il participe au renforcement de la royauté wisigothique et à la réconciliation entre les Wisigoths et leurs sujets romains.
En 624, la reconquête byzantine s’arrête définitivement dans le sud de l’Espagne : Isidore célébre alors à travers le roi Suinthila (636 – 639) qui vient de chasser les derniers occupants byzantins, « le premier monarque à régner sur l’Espagne tout entière ». Au concile de Tolède (633), par la formule rex, gens, patria (« un roi, un peuple, une patrie »), il rassemble Hispano-Romains et Goths en une seule et même nation, à laquelle la religion chrétienne donne à la fois son identité et son sens dans l’histoire : l’idée servira de modèle à Bède le Vénérable, au début du Modèle:VIIIe siècle, pour inscrire la naissance du peuple anglais (gens anglorum) dans une perspective chrétienne de l’histoire.
Ce faisant, Isidore joue sur le plan idéologique un rôle majeur, puisqu'il contribue à inscrire l'héritage antique dans un cadre médiéval.
Pour Isidore, la qualité royale est définie par des vertus, essentiellement par la iustitia et la pietas (bonté, miséricorde), et les rois, avant de « rendre des comptes à Dieu à cause de l’Église que le Christ a remis à leur défense », doivent rendre des comptes aux évêques, qui peuvent les déclarer incapables. Les mauvais rois sont des tyrans qui peuvent être renversés, et les évêques peuvent excommunier ceux qui ont enfreint les lois, y compris les lois civiles : reges a recte agendo vocati sunt, ideoque recte faciendo regis nomen tenetur, peccando amittitur. Ainsi, de même que les évêques s’appuient sur la monarchie, inversement, le souverain tend à s’appuyer sur l’Église, garante de la fidélité et de l’obéissance de ses sujets : ces principes, qui placent les évêques sous l’autorité du roi et le roi à la disposition des évêques, seront repris par l’idéologie du pouvoir royal sous le règne des Carolingiens.
Pendant son ministère, il entreprend la réorganisation de l'Église wisigothique. À cette fin, il a le souci constant de la formation et de l'éducation des clercs, mais aussi des laïcs.
Il institue l'école épiscopale de Séville. Puisant dans la très riche bibliothèque de la ville et s'appuyant sur une équipe importante de copistes, il compile également une somme de connaissances visant à doter la nouvelle église catholique de solides fondations intellectuelles : cette œuvre aborde tous les domaines.
2. Œuvre
L’œuvre majeure d’Isidore est formée par les Étymologies (dont le titre exact est Etymologiæ sive origines), véritable somme de connaissances constituée de vingt livres et de 448 chapitres, qui propose d’établir l’origine de toutes les choses par l’étymologie du mot qui les désigne. Par cette œuvre, Isidore entend rendre compte de l’ensemble du savoir antique et le transmettre à ses lecteurs au moment où la culture classique semble en voie de disparition.
La méthode « étymologique » d’Isidore peut aujourd’hui paraître déconcertante : il explique un mot par des termes phonétiquement proches et dont l’assemblage fournit le sens (ainsi, sa définition du roi : Rex a recte agendo : on appelle « roi » celui qui agit droitement). Il suit en fait un mode de pensée propre à l’Antiquité (l’analyse procède par différence et par analogie, glose et étymologie). Évidemment, les définitions qui en résultent ont avant tout un sens moral et un caractère édifiant. Dans le même temps, elles contribuent par leur technique de citation à la survivance de la pensée antique sous une forme nouvelle. Les domaines abordés embrassent les sept arts libéraux, le droit, la médecine, le sacré, les sciences naturelles et les techniques et l’exercice s’appuie à la fois sur la philosophie antique, grecque, et sur les traditions de l’exégèse judéo-chrétienne. Par cette œuvre, Isidore joue notamment un rôle considérable dans la constitution du bestiaire médiéval, notamment à travers le livre XI : De homine et portentis (L’homme et les monstres).
Les Étymologies connaissent un immense succès tout au long du Moyen Âge : plus de dix éditions en sont réalisées entre 1470 et 1530, ce qui démontre également le rôle qu’elles jouent pour la Renaissance.
Parmi les autres travaux d'Isidore, il faut citer :
- dans le domaine de l’histoire, une Chronique (une histoire universelle, qui reprend la Chronique de saint Jérôme), et une Histoire des Goths (De origine Getarum…), aujourd’hui perdue mais largement utilisée par Jordanès.
- Dans le domaine de la lexicologie, Isidore est l’auteur d’une œuvre intitulée De differentiis verborum et de Synonymae.
- Il est également l’auteur de traités théologiques et d’une règle monacale (Regula monachorum).
- De nombreux autres traités viennent compléter cette liste : les plus importants sont le De natura rerum, traité d’astrologie (entre autres) composé à la demande du roi Sisebut et le Liber numerorum (théorie des nombres, inspirée principalement de saint Augustin).
Isidore de Séville est canonisé par Rome en 1598 et déclaré docteur de l'Église en 1722. Il est fêté le 4 avril.
3. Liens externes
- (la) Texte complet des Etymologiarum sive originum sur le site en anglais The latin Library
Illustration : en guise d’icône, la carte du monde selon la description qu’en donne Isidore de Séville (Orbis a rotunditate circuli dictus, quia sicut rota est [...] Undique enim Oceanus circumfluens eius in circulo ambit fines. Divisus est autem trifarie: e quibus una pars Asia, altera Europa, tertia Africa nuncupatur ; manuscrit du XIIe siècle).
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