Le Parrain de Francis Ford Coppola

Intérêt
La saga du Parrain, même si elle a été réalisée sur près de vingt ans, témoigne d’une belle unité. Coppola porte, avec cette trilogie, un regard lucide sur les États-Unis tels qu’ils peuvent apparaître à l’intérieur de leurs frontières. Entre-temps, Apocalypse now ( 1979 ) fustigera leur politique extérieure à travers l’exemple du Vietnam.


Table des matières

1. Analyse


Le Parrain ou une saga colossale de trois films dont la réalisation s’étale sur près de vingt ans (1972, 1974 et 1990) et couvre à peu près le XX° siècle. Pour F. F. Coppola, il s’agit de « deux films qui se suivent d’un côté et d’un épilogue de l’autre ». Il est vrai que la troisième partie du Parrain a permis au réalisateur de redresser une situation financière compromise après l’échec de son film Tucker (1988).

Bien avant Sergio Leone (1984 : Il était une fois en Amérique [1] et Martin Scorsese (2002 : Gangs of New York [2], Coppola met l’accent sur le double fondement des États-Unis : sa diversité ethnique et la dimension crapuleuse de sa société. Si bien que Le Parrain peut être considérée comme une véritable métaphore des États-Unis : la mafia du film incarne l’Amérique. Comment, en effet, ne pas voir que la mafia que décrit Coppola a en commun avec la société américaine les mêmes valeurs (sens de la religion, exaltation de la famille, admiration pour les puissants qui ont réussi) et les mêmes objectifs (course à la réussite et à la fortune par le mensonge érigé en cynisme et le recours permanent à la violence). Bref, Coppola propose la satire la plus virulente et la dénonciation la plus définitive qui soient de son pays. Il suffit d’analyser, dans le film, les rivalités entre les différents groupes issus de l’immigration qui composent ce pays (pègre irlandaise, mafias italienne et juive) et la lutte pour le pouvoir partagé entre les gangsters et les hommes politiques ; la frontière entre les deux relevant de l’illusion pure et simple (comme l’ont montré, entre autres, l’assassinat de Kennedy ou la mort de Marilyn Monrœ). Bref, la trilogie du Parrain a un double intérêt : elle retrace le XX° siècle de l’Amérique à l’intérieur de ses frontières (Apocalypse now [3]) complètera ce portrait et décrira l’Amérique interventionniste à l’extérieur de ses frontières) et dessine un tableau lucide de la société qui en est issue. Ces trois films marquent par ailleurs une date dans l’histoire du cinéma : le Parrain 1 fut le premier film à battre les records de Autant en emporte le vent ; ce fut aussi l’initiateur des blockbusters à venir.

Le Parrain : partie I

New York, dans les années cinquante : Irlandais installés dans la police aux ordres des politiques et Italiens aux dents longues s’affrontent sur fond de racisme et de lutte pour le pouvoir. Coppola insiste sur la prépondérance des valeurs familiales chez les immigrés italiens dont sont issus, entre autres, Coppola, Al Pacino, Brando et De Niro. Cet attachement à la famille va de pair avec le respect et la force des traditions (cuisine, cérémonies, coutumes, culte du pater familias qui prépare à celui du parrain). Précisément comment succéder au père Vito Corleone (Marlon Brando) ? Michael (Al Pacino), introverti, réfléchi et calme semble préférable à un Sonny (James Caan) extraverti et trop impulsif.


Coppola joue sur l'antithèse et oppose un New York sombre et oppressant (lieux clos des appartements, des restaurants, des rues, de l'hôpital ; univers populeux) à une Sicile lumineuse, aux vastes espaces inhabités (collines amples et dorées de soleil, villages pittoresques et accueillants). Mais un point commun réunit toutefois ces deux univers si différents : la violence et la mort qui tiennent lieu de dialogue et rythment la vie au quotidien. Une violence qui peut éclater à tout moment et se traduit visuellement par l'ombre ou la lumière des destins contraires : Irlandais/Italiens ; Corleone/Tataglia ; Sonny/Michael ; déchéance de Vito/ascension de Michael, etc. On ne peut évoquer le film sans faire référence à la beauté de la photographie (due à Gordon Willis) qui magnifie chaque plan composé comme un tableau à trois niveaux de profondeur (premier plan, second plan, arrière plan) et la sublime musique de Nino Rota, tantôt dramatique lorsqu'elle donne à entendre New York, tantôt lyrique et nostalgique quand elle chante la Sicile.


Le Parrain : partie II

Ce second opus ne laisse pas d’étonner dans la mesure où il alterne l’histoire du fils, Michael, devenu l’héritier de son père Vito, et celle, précisément, de Vito, son père, depuis sa Sicile originelle jusqu’à son irrésistible ascension à New York. Autrement dit, Le Parrain II offre, tout à la fois, le préambule du Parrain I et sa suite !

Ce passé et ce futur coexistent en un montage alterné tout à fait intéressant : le passage de l'un à l'autre s'effectue à l'aide de fondus enchaînés particulièrement empreints d'une grande nostalgie et propres à exalter le souvenir de l'ascension du père et à donner consistance au combat du fils qui doit assumer et poursuivre l'œuvre du père. Ce faisant, Coppola rend parfaitement compte de la force d'une fatalité toute-puissante qui unit les générations entre elles. Cinématographiquement, les deux récits constituent donc le diptyque parfait d'un même tableau.

Mais cette symbiose, que favorisent les nombreux fondus enchaînés, s’inscrit toutefois dans une inversion des réalités : autant Vito, le père, devient un gangster pour mieux protéger sa famille, autant Michael, le fils, la perd (divorce d’avec sa femme et trahison de son frère) en poursuivant les affaires de son père ; autant Vito construit sa famille en établissant son pouvoir, autant Michael en est réduit à ne plus que la conserver, vérifiant ainsi l’axiome selon lequel il est plus aisé d’atteindre au pouvoir que de s’y maintenir. Si Michael a fait une erreur, c’est sans doute, dans son désir d’intégration, d’avoir choisi une femme hors de sa famille naturelle. Le changement de point de vue selon les époques enrichit ainsi une réflexion sur l’intégration, aux États-Unis, des immigrants.


Le Parrain : partie III

Après le parallèle inversé entre les destins de Vito et de Michael, Coppola imagine dans ce qu’il appelle Épilogue une autre symétrie, plus intime, entre Michael et lui-même, cette fois. Le créateur se dédouble dans sa créature comme pour mieux exorciser ses difficultés personnelles. Tous deux semblent avoir perdu le goût de la réussite : Coppola est alors quasiment ruiné et Michael a payé le prix fort d’une réussite qu’il juge amère (sa femme l’a quitté, ses enfants sont partagés, sa famille s’interroge sur ses méthodes). On notera, pour appuyer cette identification entre le réalisateur et son personnage, que la famille de Michael est interprétée par les proches de Coppola : sa sœur et sa fille Une dimension personnelle plus autobiographique colore ainsi le dernier volet du Parrain.

Par ailleurs, éloigné dans le temps des deux films précédents, Le Parrain III explore un monde moderne dans lequel la mafia est liée - et doit composer - avec la haute finance et la religion. Après Al Pacino et Robert De Niro, Andy Garcia en est la révélation et doit assurer la continuité fidèle de Michael.

Malgré le désir final de rédemption de Michael, le film apparaît surtout comme un chant funèbre aux accents de Requiem, notamment dans une séquence finale en forme de tragédie qui peut évoquer le triomphe d'un capitalisme sauvage dominateur et, désormais, incontrôlable par ses ramifications.

Une saga indispensable sur l’Amérique. Trois grands films à voir et à revoir, dont la vision doit être complétée par celle de Apocalypse now [4], pour mieux comprendre un aspect essentiel de la genèse des États-Unis.


2. Synopsis


Le Parrain : partie I (1972) On assiste à la mise en danger de la famille Corleone qui règne sur une partie de New York par la terreur : une « famille » concurrente abat le père, Don Vito, et l'un des fils, Sonny. Michael, le plus jeune, que son père veut laisser à l'écart des « affaires » prend, malgré tout, les choses en main.

Le Parrain : partie II (1974) Cette seconde partie dépeint la montée en puissance de la famille Corleone dirigée par Michael et, parallèlement, narre l’histoire de Don Vito, depuis son arrivée aux États-Unis au début du siècle, jusqu’à sa réussite maffieuse.

Le Parrain : partie III (1990) Ce film-épilogue marque la réussite totale d'un Michael - toujours plus intransigeant - pour ce qui est de ses « affaires » même si, autour de lui, des appétits s'aiguisent. A l'inverse, sa vie familiale est un échec tragique.


3. Fiche technique


  • Titre original : The Godfather
  • Années : Partie I (1972) Partie II (1974) Partie III (1990)
  • Réalisation et scénario : Francis Ford COPPOLA, d’après le roman de Mario PUZO
  • Directeur de la photographie : Gordon WILLIS
  • Musique : Nino ROTA Carmine COPPOLA
  • Décors Dean : TAVOULARIS
  • Montage : Peter ZINNER, Barry MALKIN, Richard MARKS
  • Production : Francis FORD COPPOLA / Paramount
  • Distribution : UIP
  • Durée respective des trois parties : 175 minutes / 200 minutes / 160 minutes

Distribution pour les trois parties :

  • Don Vito Corleone : Marlon BRANDO
  • Michael Corleone : Al PACINO
  • Sonny Corleone : James CAAN
  • Tom Hagen : Robert DUVALL
  • Mc Cluskey : Sterling HAYDEN
  • Jack Woltz : John MARLEY
  • Barzini : Richard CONTE
  • Kay Adams : Diane KEATON
  • Sollozzo : Al LETTIERI
  • Carlo Rizz : Gianni RUSSO
  • Freddy Corleone : John CAZALE
  • Connie : Talia SHIRE
  • Vito Corleone jeune : Robert DE NIRO
  • Hyman Roth : Lee STRASBERG
  • Vincent Mancini: Andy GARCIA
  • Don Altobello : Eli WALLACH
  • Jocy Zasa : Joe MANTEGNA
  • Grace Hamilton : Bridget FONDA
  • Mary Corleone : Sofia COPPOLA
  • BJ Harrison : George HAMILTON
  • Le cardinal Lamberto : Raf VALLONE
  • Anthony Corleone : Franc D’AMBROSIO
  • L’archevêque Gilday : Donal DONNELLY


4. Édition DVD zone 2


L’image : elle propose des couleurs dominantes ocre et brun jaune pour les deux premiers films, alors que les blancs sont parfois brûlées. On peut noter des scènes sous-exposées. La définition n’est pas parfaite et la séquence du mariage est assez granuleuse. L’image du « Parrain » III, plus récente, offre une image bien mieux définie.

Son : les deux premiers films ont été remasterisés en DD 5.1, ce qui donne au son une ampleur certaine, surtout à l’avant, car les enceintes arrière sont peu sollicitées. Attention à la VF seulement mono. Mais le troisième film est en stereo dolby surround.

Supplément : cette édition offre une incroyable richesse de suppléments. Il faut savoir que chacun des films est suivi d’un commentaire audio de Coppola ! D’autre part, un DVD complet est consacré aux suppléments (VOST) et multiplie les documentaires sur le tournage ; sur le carnet de bord du réalisateur ; sur le scénario ; sur la promotion du film ; sur les biographies ; sur l’arbre généalogique des Corleone ; sur 34 scènes coupées. On trouve enfin une liste des récompenses. Une édition remarquable !

Coffret : l’ensemble est proposé dans un sobre et élégant coffret noir qui renferme cinq disques (Le Parrain II est gravé sur deux DVD séparés de l’entracte et un DVD est consacré aux suppléments) rangés dans quatre boîtiers ornés chacun d’un portrait couleur sépia (Brando pour le I, Al Pacino pour les deux suivants et Coppola pour les suppléments) qui est repris sur la sérigraphie. Un magnifique coffret !




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Droits d'auteur © Henri PHILIBERT-CAILLAT


5. Bande annonce




 
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Contenu sous droits d'auteur — Dernière mise-à-jour : 2018-08-22 08:54:01




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