1. Analyse
Le titre choisi, Le Cercle rouge, s’explique par une citation empruntée à Bouddha, qui s’affiche à l’écran dès avant le générique : « Quand des hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge. »
Ce « titre-citation » définit parfaitement un film où décors, personnages et comportements tournent autour du thème central de l'enfermement pour dessiner un destin qui ressemble à une tragique fatalité : c'est, en effet, un jeu du chat et de la souris ou, plus gravement, un jeu d'échecs et mat, c'est-à-dire de vie et de mort qui se déroule à l'écran entre les truands et les flics.
Les personnages n'ont pas de passé connu (sauf Jansen dont on sait qu'il est un ancien flic alcoolique) ni d'avenir défini - en dehors du « casse » à exécuter. Leurs sentiments sont par ailleurs rares et négatifs : la solitude, la claustration, la cupidité, la traîtrise et la méfiance régissent des rapports humains réduits à l’essentiel. Comme en écho à cette intériorité « vide », neige, pluie, boue salissent un espace extérieur très souvent nu - constitué de paysages désolés d'hiver ou de rues vides -, et fermé. Quant aux lieux personnels de la vie quotidienne, ils ressemblent plus à des zones de transit anonymes et oppressantes qu’à des univers intimes (Cf. le papier peint à rayures verticales de la chambre de Jansen qui l'enferme aussi sûrement que les barreaux d'une prison).
Ces décors sont autant d'indices pour traduire le mal-être de personnages montrés dans leur seul comportement, c’est-à-dire à travers leurs gestes, leurs regards, leurs mouvements ou leurs actes. Car les dialogues sont rares et brefs. Autrement dit, c'est la mise en scène de Melville et sa direction d'acteur, qui, saisissant les personnages de l'extérieur, nous interdit l'approche psychologique traditionnelle. Le réalisateur nous propose, en effet, des personnages dés-humanisés pris dans un univers glacial. La femme - et l'amour – sont exclus d'un film exclusivement « viril ». Cette absence d'humanité se révèle dans la référence insistante aux animaux, que ce soit à propos des chats dont s'occupe affectueusement le commissaire Mattei, ou des insectes qui hantent les cauchemars éprouvants de Jansen.
En écho à la figure élémentaire du cercle – et au titre -, le film s'inscrit dans une véritable épure, et propose une sorte d'abstraction sur les êtres, comme si les personnages montrés, depuis longtemps amers et désabusés, avaient abandonné leur part d'humanité pour ne plus conserver que l'animalité de leur instinct de survie.
Ce « cercle » les enferme une première fois lors de l'un des plus longs casses du cinéma : ils sont même alors présentés – toujours aussi instinctifs et peu humains – comme des « machines » appliquées, minutieuses, précises. Avant de se refermer une seconde et dernière fois à la toute fin du film.
On pourrait alors, en guise d’épitaphe, rappeler le jugement de l’Inspecteur Général des Services : « Il n’y a pas d’innocent. Les hommes sont coupables. » -« Même un policier ? », lui objecte Mattei. « Tous les hommes. Tous coupables. », confirme l’Inspecteur.(1)
« Le Cercle rouge » s'est refermé...
NOTE :
(1) Un rapprochement est à faire entre ce jugement de l’Inspecteur dans Le Cercle rouge et ce dialogue imaginé par Jean Giono dans ses Carnets :
- « Tous les hommes sont méchants et misérables.
- Tous ?
- Tous.
- Même mon mari ?
- Même votre mari.
- Même vous ?
- Même moi… »
2. Synopsis
Vogel, un détenu, en transfert de prison, est convoyé en train par le commissaire Matteï, un policier expérimenté de la brigade criminelle. Pourtant, il parvient à échapper à la vigilance de son gardien, saute du train et déjoue, grâce à la nuit, les recherches aussitôt mises en œuvre. Après une course poursuite haletante, il s’introduit dans le coffre d’un véhicule à l’arrêt devant une auberge dans la forêt de Fontainebleau.
Or, ce véhicule s’avère être celui d’un repris de justice, Corey, qui libéré de prison à Marseille, se rend dans la capitale pour réaliser une « affaire » indiquée par un gardien de prison. Les deux hommes font route commune et Vogel aide Corey à se débarrasser des hommes de main de Rico, un truand qui veut l’éliminer.
Le commissaire Mattei, de son côté, fait tout ce qui est en son pouvoir pour retrouver Vogel et s’ingénie à faire chanter Santi, le patron d’une boîte de nuit, qui est l’un de ses indicateurs, pour qu’il lui donne des renseignements sur la présence de Vogel à Paris.
Pendant ce temps, Vogel et Corey mettent au point les détails de l’ « affaire » proposée par le gardien de prison : pour cambrioler une joaillerie de la place Vendôme, ils prennent contact avec un nommé Jansen, un ancien policier radié de la police pour alcoolisme. Ce dernier, qui voit dans le casse un moyen de se prouver à lui-même qu’il n’est pas fini, sort de sa déchéance et retrouve ses talents de tireur d’élite.
Les trois hommes réussissent leur "coup". Mais ils ne peuvent laisser leur butin chez le receleur contacté qui refuse d’écouler une marchandise aussi importante. En fait, Corey comprend que cette « affaire » ne lui avait été proposée que pour le faire prendre par la police.
Jansen s’entremet auprès de Santi pour qu’il leur propose un nouveau recéleur. Mais il ignore que le fils de Santi a été arrêté et que la police se sert de lui comme moyen de pression pour que le père donne des informations sur Vogel.
Les trois hommes, victimes d’une machination ourdie par la police, ont rendez-vous dans une maison isolée où, piégés par le commissaire Mattei, ils trouveront la mort.
3. Fiche technique
- Réalisation et scénario : Jean-Pierre MELVILLE
- Année : 1970
- Directeur de la photographie : Henri DECAË
- Décors : Théo MEURISSE
- Musique : Éric de MARSAN
- Production : Corona (Paris) / Selenia (Rome)
- Distribution : Corona Films
- Durée : 140 minutes
Distribution :
- Corey : Alain DELON
- Le commissaire Matteï : André BOURVIL
- Jansen : Yves MONTAND
- Santi : François PÉRIER
- Vogel : Gian-Mana VOLONTE
- Rico : André EYKAN
- Le gardien de prison : Pierre COLLET
- Le receleur : Paul CRAUCHET
- L’Inspecteur Général des Services : Paul AMIOT
- L’assistant de Matteï : Jean-Pierre POSIER
- Le fils de Santi : Jean-Marc BORIS
4. Edition Dvd zone 2
L’édition dont il est question est due à Studio Canal qui améliore nettement la précédente réalisée par Film-Office. C’est, bien sûr, celle de Studio qu’il faut, désormais, se procurer. Soyez vigilant et regardez la nouvelle jaquette !
- Image : le pressage réalisé par Studio Canal est de bien meilleure qualité et améliore grandement une image dont la lumière bleutée donne toute sa dimension épurée et glaciale au film.
- Son : il est lui aussi amélioré (DD 2.0 mono) et met en valeur la musique sombre d’Eric Demarsan.
- Suppléments : ils sont intéressants dans la mesure où ils proposent – aussi - des avis critiques envers Melville. Ce n’est pas le cas de « Histoire d’un film » (30’) réalisé par Bernard Stora, assistant de Melville sur le film et respectueux de son « maître ». Par contre, interrogé, José Giovanni se livre à un sévère réquisitoire contre Melville. Sont aussi proposés : une interview de Melville ; un reportage sur le tournage et les classiques filmographies et galerie de photos.
- Jaquette : la jaquette de l’édition de Studio Canal est très banale, qui propose les photos de trois des acteurs du film. L’effet recherché (visages rappelés mais tronqués au bas de l’affiche) laisse perplexe et nous fait regretter la très belle jaquette stylisée de la précédente édition de Film-Office qui reprenait la très réussie affiche du film - c’est d’ailleurs elle qui a été choisie pour illustrer cet article.
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5. Bande annonce
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