La Vie de David Gale d'Alan Parker

Intérêt
Ce film d’Alan Parker renoue avec ses réalisations les plus achevées (Midnight express, Mississipi burning, Angel Heart), et nous offre un beau moment de cinéma tant par la richesse de ses thèmes et la grande originalité de son scénario que pour une réalisation qui utilise avec bonheur les codes du thriller.


Table des matières

1. Analyse


Les films d’Alan Parker traitent souvent d’un problème social en utilisant le cadre d’un récit à suspens. On se souvient de Midnight express (1978) consacré à la drogue et à la prison, ou de Mississipi burning (1988) dénonçant la violation des droits civiques des Noirs aux Etats-Unis. La vie de David Gale ne déroge pas à la règle et aborde cette fois – entre autres thèmes - la question de la peine de mort à travers un thriller terriblement efficace. Il est d’ailleurs impossible d’évoquer en détail la trame des événements – tant le scénario avance par coups de théâtre et révélations successives jusqu’au final proprement inimaginable – sauf à déflorer le mécanisme d’un scénario diaboliquement agencé. On peut toutefois donner au futur spectateur l’assurance qu’il participera activement à ce qui se déroule à l’écran, ne serait-ce que pour s’efforcer de dissiper les mystères d’une double investigation qui plonge à la fois au cœur d’une société et dans les profondeurs de l’âme humaine.

Le film est construit sur le présent des quatre jours qui séparent David Gale de son exécution (nourri des visites de Bitsey à la prison et des incidents de l’enquête que David la pousse à faire) et sur le passé de sa vie (le drame qui a provoqué sa descente aux enfers et les conséquences).

Il s’agit donc d’une enquête révélations qui se déroule, sur fond d’urgence, comme une véritable course contre la montre : on est, du début à la fin, amené à s’identifier aux personnages et à s’interroger sur le contraste entre les apparences et la réalité, dès lors que l’interview du condamné multiplie les pistes et plonge la journaliste, d’abord indifférente, voire hostile, dans le doute, puis dans le désarroi et, enfin, dans le désespoir. Cette évolution psychologique de Bitsey est celle du spectateur. Tel est l’enjeu du film de Parker : ce « jeu » entre David Gale et Bitsey Bloom reproduit celui que le réalisateur conduit avec le spectateur et vise à lui faire prendre conscience – au-delà même de la classique question sur la culpabilité ou l’innocence du condamné – de l’irréversibilité de la peine de mort qui interdit tout retour en arrière en cas d’erreur judiciaire.

On retrouve cette idée de contraste, déjà évoqué à propos des apparences et de la réalité, lors du débat télévisé – contradictoire – entre David Gale et le Gouverneur, dans les (brèves) scènes de manifestations pour ou contre la peine de mort et dans le débat intérieur du personnage principal (suivre ses désirs ou un idéal). Ce procédé de l’antithèse qu’utilise souvent Alan Parker trouve tout son sens lorsqu’il oppose – à travers le parallèle entre la composition du repas du condamné et la mixture qui sert à l’exécuter – le principe de vie et le principe de mort. Les révélations successives - proprement déconcertantes - qui accélèrent la fin bouleversante du film renvoient chacun de nous à ce débat essentiel que David Gale tenait à ses étudiants sur le sens à donner à sa vie : faut-il choisir la voie des désirs qui paraissent dérisoires dès qu’ils sont satisfaits, ou se fixer un idéal à atteindre et s’y consacrer ? Jusqu’où faut-il aller dans ses convictions ?

On note, du point de vue de la réalisation, une volonté de traduire visuellement états d’âme des personnages et sens du film. On songe au plan en plongée de David allongé les bras écartés en croix, tel un Christ, sur la pelouse de son ancienne maison. On songe également aux images récurrentes d’aubes ou de couchers de soleil rougeoyants qui rythment symboliquement le décompte des quatre jours dans le sentiment de l’urgence et de l’inexorable. On pense au choc des images répétitives (de transition) qui s’accélèrent, tournoient et se renversent pour exprimer le vertige de David lorsque sa vie bascule. On pense aussi au plan-séquence des enfants mimant une baignade dans une piscine remplie d’une terre boueuse, qui suggère métaphoriquement la déchéance de David et la laideur dans laquelle sa vie patauge désormais. On pense enfin à la dernière scène du film (la représentation de l’opéra Turandot), métaphore finale émouvante du film.

Kevin Spacey, déterminé et fragile, passionné et sensible, nous bouleverse. Kate Winslet, tour à tour froide, indifférente, émue et déchirée, se transforme sous nos yeux, et contribue à donner au film sa coloration humaniste. Alan Parker signe avec La vie de David Gale un film important, d’une rare richesse thématique, qui pose les questions fondamentales, tout en satisfaisant notre goût pour une intrigue prenante et un cinéma spectaculaire. Un grand film à voir.


2. Synopsis


David Gale (Kevin Spacey), professeur de philosophie dans une université du Texas et partisan convaincu de l’abolition de la peine de mort, voit sa vie se déliter suite à une plainte pour viol portée à son encontre. Il se retrouve même accusé du meurtre de Constance Halloway (Laura Linney), collègue, amie et militant, à ses côtés, contre la peine de mort. Quatre jours avant son exécution, il demande à une journaliste, Bitsey Bloom (Kate Winslet) de l’interviewer. Que cache cette démarche insolite ?


3. Fiche technique


  • Titre original : The life of David Gale
  • Réalisation : Alan Parker
  • Scénario : Charles Randolph
  • Directeur de la photographie : Michael Seresin
  • Musique : Alex & Jake Parker
  • Production : Saturn Films / Dirty Hands, Alan Parker & Nicolas Cage
  • Distribution : UIP
  • Durée : 132 minutes
  • Année : 2002

Distribution :

  • David Gale : Kevin Spacey
  • Elisabeth (Bitsey) Bloom : Kate Winslet
  • Constance Hallaway : Laura Linney
  • Zack : Gabriel Mann
  • Dusty : Matt Craven
  • Berlin : Rhona Mitra
  • Braxton Belveu : Leon Rippy
  • Duke Grover : Jim Beaver


4. Edition DVD


Image : souvent sombre, elle passe sans doute mieux à la TV que sur un vidéoprojecteur qui souligne les contours des acteurs par un reflet (edge ehancement). Par ailleurs, on peut déplorer une définition très moyenne. Un grain est assez présent et on constate un certain manque de finesse général. Quant aux couleurs peu saturées, elles sont conformes à l’esthétique voulue par le réalisateur.

Son : le DD 5.1 sollicite avec bonheur les enceintes arrière lors de certains passages importants (séquence de la pluie ou de la party) mais, le plus souvent, il met en avant, de la plus claire des façons, musique et voix sur les enceintes frontales.

Suppléments : l’édition propose un ensemble de suppléments, en VO sous-titrée, à la fois nombreux et complets, comme on peut en juger par ce qui suit. « Le commentaire audio du réalisateur est passionnant dans la mesure où le réalisateur nous renseigne sur une multitude des détails concernant l’incroyable scénario de Charles Randolph (lui-même professeur de philosophie) qui a pourtant attendu deux années avant d’être réalisé ; le lieu obligé de tournage (Austin) ; les anecdotes sur les acteurs (les raisons de leur choix, leurs difficultés pour tourner certaines scènes sans connaître celles qui précédaient, etc.). Il sait surtout insister sur les scènes importantes du film à l’aide de remarques sobres et précises. Il se dit fier de son film et on le comprend ! « La peine de mort au Texas » est un documentaire qui rappelle les faits : le Texas (l’Etat de Bush !!) a rétabli la peine de mort en 1976 ; Huntsville est la capitale mondiale des exécutions ; en 1982, 76 personnes ont été exécutées, etc. Différents intervenants (Parker, Kate Winslet, Kevin Spacey, des gardiens de prison, etc. apportent leur témoignage. Le tout est illustré d’images de documentaires, du tournage du film et du film même. Les propos de Parker sont fermes mais mesurés. « Les coulisses du tournage » est un sujet qui jette un regard sur le film et l’œuvre de Parker. On y apprend qu’il a tourné 14 films en 28 ans et qu’un film lui prend deux ans de vie. D’où sa volonté de ne tourner que des sujets qui le passionnent vraiment. Le scénariste et les acteurs interviennent pour des exposer des points de vue assez souvent utiles. « Une affaire de : la musique de David Gale » nous apprend que les deux fils de Parker, Alex (rock’n’roll) et Jake (classique), sont les compositeurs et chanteur (Alex) des chanson et musique du film. Le document insiste sur la collaboration collective du père et de ses deux fils. « Les scènes supplémentaires » proposées sont au nombre quatre. Très brèves, elles n’étaient pas utiles pour trois d’entre elles. En revanche, la scène intitulée « le bord de la piscine » est intéressante. Il est à noter que la mention « Tout voir » permet de visionner les quatre scènes coupées en une seule fois en les enchaînant. « Concept de l’affiche » montre un plan fixe des trois projets d’affiche. C’est bien la plus intéressante qui a été choisie. Les deux bandes-annonces (américaine et française) sont proposées. Et un lien DVD Rom complète l’ensemble plutôt bien fourni et riche.

Jaquette : elle utilise le contraste (visage clair sur fond sombre et silhouette sombre sur fond clair) et donne toute son importance à Spacey/Gale (les 2/3 de la surface) : pensif, mais déterminé. Au bas de l’affiche Kate Winslet court dans l’urgence…




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Droits d'auteur © Henri PHILIBERT-CAILLAT


5. Bande annonce




 
Mots-clef USA  peine de mort  film  drame  2002  Alan Parker 
Évaluation 87.50 %
Contenu sous droits d'auteur — Dernière mise-à-jour : 2020-07-20 08:51:21




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