Gangs Of New York de Scorsese

Intérêt
Très attendu, ce film de Martin Scorsese illustre de nouveau toute la maîtrise technique du réalisateur et la force de son propos, même si l'on reste quelque peu sur sa faim pour ce qui est du récit-prétexte de la vengeance traitée d'une façon trop classique.


Table des matières

1. Analyse


C'est en 1970 que Martin Scorsese découvre le livre de Herbert Asbury. Dès lors, il n'aura de cesse de l'adapter au cinéma. Trente ans plus tard naît le projet définitif, « Gangs of New York », immense fresque pleine de bruit et de fureur qui se développe sur près de 2 h. 40 en une triple dimension : celle d'un destin individuel ancré dans l'histoire de New York et, plus largement, des Etats-Unis.

Il situe son film dans le New York du milieu du XIX° siècle pendant l'arrivée massive d'immigrants alors même que la guerre civile (guerre de Sécession) réclame toujours plus de soldats, que la Conscription obligatoire se développe donc, et plus précisément aux « Five Points », croisement de cinq rues de la ville où s'affrontent les bandes rivales des « Natives » (descendants d'Anglais) et les « Dead Rabbits » ou « Lapins morts » (immigrés irlandais).

Le premier combat qu’il nous est rapidement donné de voir annonce le ton du film. D’une invraisemblable violence, la séquence étonne par une mise en scène (face à face solennel, défi provocateur et déchaînement barbare) au montage savant : Scorsese nous plonge, d’abord, dans la sauvagerie d’un corps à corps dont aucun détail sanglant ne nous est caché ; puis, par un mouvement de grue ascensionnel de la caméra, il « extrait » le spectateur de cette mêlée pour lui offrir, en un plan large vu en plongée, un tableau d’ensemble de la mêlée tout à fait étonnant car au cours de ce changement progressif de vision les différences entre les combattants se sont estompées, puis effacées, au point que la vue générale finale du champ de bataille donne l’impression de voir le même individu répété cent fois. Superbe séquence ! C’est par l’image que Scorsese, comme tous les grands réalisateurs, nous « dit » que ces gangs sont en fait les mêmes fils d’une Amérique alors en gestation.

Le propos est transparent à travers la métaphore du croisement des rues (les Five Points) : il s'agit bel et bien de la Naissance d'une Nation, les Etats-Unis, qui se trouve à la croisée de son Histoire (forte immigration et tentative de Sécession intérieure). Et cette Histoire nous sera montrée à travers l'affrontement symbolique entre deux hommes (Bill le Boucher, chef des Natifs hostile aux immigrants irlandais, et Amsterdam) pour s'approprier le pouvoir avec l'aide des hommes politiques cyniques, tel Boss Tweed.

Une nation qui naît aussi dans la guerre civile, ce qui nous vaut une autre magistrale séquence où l'on voit dans la même continuité, grâce à un travelling latéral de droite à gauche de l'écran, les immigrants quitter leur bateau pour être aussitôt enrôlés dans l'armée et partir immédiatement pour le front de la guerre de Sécession !

Une nation qui naît, enfin, dans la lutte des classes que Scorsese représente, visuellement, dans le traitement particulier des couleurs : ocres, bruns et gris ternes assombrissent les quartiers défavorisés ; couleurs vives et chaudes illuminent les quartiers huppés.

Le propos de Scorsese - suivre l’avènement des Etats-Unis à travers une histoire individuelle de vengeance - montre toute sa cohérence à la fin du film lorsque les deux pôles du récit - l’Histoire et l’Individu - se rejoignent et fusionnent lors d’une ultime séquence remarquable (qui n’est pas sans rappeler la fin de Les portes du Paradis de Michael Cimino) au cours de laquelle l’armée réprime l’insurrection des Five Points contre la Conscription obligatoire à coups de canon dévastateurs. Une scène apocalyptique (pillages, lynchages, massacres) où se résout le destin de Bill et d’Amsterdam : autre croisement des destins individuels et de l’Histoire.

Et le film s’achève par une nouvelle trouvaille de Scorsese : le futur de la ville de New York (troisième « destin » du film !) est évoqué à travers un étonnant plan fixe de la ville de 1860 qui se transforme insensiblement et transcrit le passage du temps jusqu’à l’image du New York contemporain. Le générique enchaîne alors aussitôt sur le film dont il fait partie puisque la chanson de U 2 (« The hands who built New York »/ « Ces mains qui bâtirent New York ») le prolonge en célébrant la ville. Puis le silence se fait et, sur les derniers noms du générique, s’élèvent les rumeurs modernes de la ville, comme un bruit de fond, lointain mais proche et familier. Qui nous murmurerait que l’histoire se continue.

Il faut, bien sûr, saluer les acteurs de ce grand film et, notamment, Daniel Day-Lewis incroyable de présence et de force. Léonard Di Caprio tient un rôle plus en retenue. Quant à Cameron Diaz, elle allie heureusement sensualité, naturel et sensibilité.


2. Synopsis


Deux bandes rivales, « les Natives » (descendants des colons anglais) conduit par Bill le Boucher et les « Dead Rabbits » emmenés par le père Vallon (nouveaux arrivants Irlandais) s'affrontent au cours d'un combat sous les yeux de Amsterdam Vallon, le fils du chef des « Dead Rabbits ».


3. Fiche technique


  • Titre Original : Gangs Of New York
  • Année : 2002
  • Réalisation : Martin Scorsese
  • Scénario : Jay Cocks, Kenneth Lonergan, Steven Zaillian. D’après le livre de Herbert Asbury
  • Directeur de la photographie : Michael Ballhaus
  • Musique : Bono, Peter Gabriel, Howard Shore
  • Décors : Dante Ferretti
  • Musique : Elmer Bernstein
  • Production : Initial Entertainment Group / Miramax Films
  • Distribution : SND
  • Durée : 170 minutes

Distribution

  • Amsterdam Vallon : Leonardo DiCaprio
  • William Cutting, dit Bill le Boucher : Daniel Day Lewis
  • Jenny Everdeane : Cameron Diaz
  • William "Boss" : Tweed Jim Broadbent
  • Happy Jack : John C Reilly
  • Johnny Sirocco : Henry Thomas
  • Monk McGinn : Brendan Gleeson
  • Le Père Vallon : Liam Neeson
  • McGloin : Gary Lewis
  • Jimmy Spoils : Larry Gilliard
  • Shang : Stephen Graham
  • Révérend Raleigh : Alec McGowen
  • Horace Greeley : Michael Byrne
  • Mr Schermerhorn : David Hemmings
  • Mme Schermerhorn : Lucy Davenport


4. Édition DVD zone 2


Le DVD est paru le 9 juillet 2003 ( Éditeur : Warner Home Vidéo ; présentation : Snap Case).

Image : cinémascope -2.31 :1 Full screen-1.33 :1.La photographie du film est superbe et multiplie savants éclairages et toute la palette possible des couleurs. L’image impose toute sa qualité (finesse des détails, profondeur du champ) : une réussite !

Son : français et anglais en DD 5.1.Une musique prégnante toujours présente et mise en valeur avec finesse et sensibilité mais aussi force. Le DD 5.1 (au lieu du DTS zone 1 pour éviter une coupure du film) souligne chacun des nombreux effets sonores. Il faut mentionner tout particulièrement la séquence finale de la canonnade très impressionnante, à la fois mesurée et terriblement percutante (basses en grondement continu et spatialisation efficace des obus de droite à gauche !) dans une résonance générale très étudiée. Un feu d’artifice pour les installations adaptées de votre cinéma à domicile.

Edition Collector : cette édition (un magnifique coffret !) est faite de deux DVD de sorte que l’offre de suppléments est très riche et didactique, ce qui est à saluer. On relèvera ci-après l’essentiel. Dans le DVD 1 on trouve le film et le très attendu - et qui ne déçoit pas - commentaire audio de Scorsese dont les remarques à propos de certaines séquences et des trente années de gestation du film sont passionnantes. Le DVD 2 ajoutent 26’ sur le tournage du film ; des reportages irremplaçables sur les décors, les costumes ; un documentaire sur l’histoire des Five Points ; un lexique d’argot (pour les Anglophones !) ; les biographies des personnages du film et les filmographies des acteurs. L’éditeur ajoute même un ensemble sur le film à Cannes (montée des marches, conférence de presse, etc.). Notons enfin le vidéo-clip de U 2. Une excellente édition qui enrichit le film !La jaquette vaut surtout par sa sobriété : sa couleur noire met en valeur les visages des trois acteurs les plus connus. Une affiche bien minimaliste et décevante. Elle affiche avec bonheur la double dimension du film : les visages des acteurs qui évoquent les destinées individuelles s’inscrivent au-dessus de scènes épiques de conflits qui reflètent le désordre de l’Histoire.



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Droits d'auteur © Henri PHILIBERT-CAILLAT


5. Bande annonce




 
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Contenu sous droits d'auteur — Dernière mise-à-jour : 2016-04-05 10:59:14




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