1. Analyse
Ce film réalisé en 1950 par Billy Wilder est d’une rare richesse tant par ses dialogues vifs, spirituels et percutants que par ses thèmes empruntant au film noir, à l’étude quasiment clinique de la perte du sens de la réalité et de la folie, voire de la mort l’emportant sur la vie des illusions. Par ailleurs, il est la charge la plus corrosive que l’on ait jamais livrée contre le Hollywood du cinéma, cette « fabrique à rêves ». Film source qui inspira Mulholland drive [1] à David Lynch (il est à noter que le patronyme Gordon Cole donné par Lynch à l’enquêteur du FBI de son film Twin Peaks : Fire walk with me (1992) [2] figure au générique du film de Wilder) et, sans doute, le très caustique S1mOne (2000)[3] de Andrew Niccol. Boulevard du crépuscule dénonce tour à tour la mythomanie et les caprices des vedettes consacrées, l’ingratitude et la cruauté des studios à leur égard et la versatilité du public. Plus profondément, il souligne la terrible confusion entre vie et illusion, entre réalité et fiction, dont le cinéma hollywoodien est la plus grande caricature.
Mythomanie et caprices définissent en effet l'univers de Norma Desmond, l'idole déchue du cinéma muet. Recluse dans son somptueuse demeure aux incroyables, immenses et nombreuses pièces surchargées de meubles, de tableaux et de bibelots - reflet symbolique de son narcissisme et de ses extravagances -, enfermée dans ses souvenirs, vieillissante, elle ne vit plus que par son passé glorieux, confond illusions et réalité, et finit par se laisser aller au mirage d'un retour au cinéma par l'idylle impossible avec un jeune scénariste Joe Gillis (William Holden) qui est, pour sa part, avant tout soucieux de confort matériel et prêt, pour ce faire, à jouer les gigolos.
Ingratitude des studios qui ont abandonné cette Norma Desmond qui fut pourtant leur figure de proue et leur rapporta, par le succès de ses films, tant de bénéfices. Cruauté terrible des studios que Billy Wilder rend concrète en n’hésitant pas à utiliser, dans leur propre rôle, des célébrités du cinéma démodées, voire à demi-oubliées (has been disent crûment les Américains), au moment du tournage de son film, qu’il s’agisse précisément de Gloria Swanson, ancienne idole du cinéma muet, jouant son propre personnage sous le nom de Norma Desmond ; de Eric Von Stroheim célèbre cinéaste en disgrâce interprétant dans le film Max, l’ex-réalisateur des films de Norma Desmond, devenu son chauffeur ; ou encore de Cécil De Mille, cinéaste mythique, dans son propre rôle de Cécil De Mille !
Quant à la versatilité du public, elle consiste moins dans son oubli de ses anciennes idoles que dans sa passivité à ne pas vouloir pérenniser leur gloire, comme le montre le - bref - retour final de Norma Desmond sur le plateau du tournage d'un film. Cette versatilité ne fait d'ailleurs que faire écho à celle de Hollywood pour qui tout est éphémère et passager dans un univers fondée sur la seule utilisation mercantile des talents, tout film étant considéré, d'abord, comme un produit qui peut rapporter de l'argent.
Ce film d’une grande lucidité et terriblement cruel - mais aussi teinté d’un humour d’autant plus ravageur qu’il est distancié - porte un regard décapant sur Hollywood (on rappellera la phrase terrible de Norma en réponse à : « Je vous reconnais. Vous étiez une grande. » « Je suis une grande. Ce sont les films qui sont devenus petits. »). Plus généralement, Hollywood invite trop souvent à confondre apparence et réalité. Que l’on songe à l’étonnant procédé qui structure le film : c’est un mort qui parle et raconte, c’est une voix d’outre-tombe qui commente les images que voit le spectateur. Première confusion paradoxale ! Plus surprenant encore, ce sont des acteurs consacrés (Gloria Swanson, Eric Stroheim, Cécil B. de Mille ou Buster Keaton) qui jouent leur propre rôle dans le film, entretenant ainsi la confusion la plus totale entre cinéma et réalité ! (1) Mais il s’agit aussi d’un merveilleuse célébration du cinéma, évidente lorsque Norma retrouve les gens du cinéma sur les plateaux et qu’ils la célèbrent avec une chaleur non feinte.
Note :
(1) Comment ne pas songer à la citation que Jean-Luc Godard affirme emprunter à André Bazin et qu’il inscrit au générique de son film Le Mépris (1963) : « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs. » ? (En fait, cette citation est celle du critique Michel Mourlet - « Le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs... (1959) » - et a été citée de façon inexacte par Godard.)
2. Synopsis
Le cadavre Joe Gillis (William Holden) flotte sur l’eau d’une piscine dans une magnifique propriété hollywoodienne. Une voix off, précisément celle de Joe, se propose de raconter les événements qui ont précédé cette scène. Alors qu’il n’était qu’un scénariste inconnu et désargenté, les circonstances l’ont fait rencontrer une ancienne actrice célèbre du muet, Norma Desmond (Gloria Swanson). Celle-ci a besoin de lui pour relancer sa carrière ; il dépend d’elle pour vivre dans le luxe. Par intérêt et opportunisme, il flatteNorma, devient son amant et concocte un scénario qui est pourtant refusé par le grand réalisateur Cécil B. de Mille. Joe, attiré par Betty, souhaite alors défaire sa liaison avec Norma pour se sortir de cette fausse relation et recouvrer sa liberté. Mais Norma ne l’entend pas ainsi.
3. Fiche technique
- Titre original : Sunset boulevard.
- Réalisation : Billy WILDER.
- Année : 1950.
- Durée : 110 minutes.
- Scénario : Charles BRACKETT, Billy WILDER, Don MARSCHMAN Jr.
- Directeur de la photographie : John F SEITZ
- Décors : Hans DREIER, John MEEHAN.
- Montage : Arthur SCHMIDT, supervisé par Doane HARRISON.
- Musique : Franz WAXMAN.
- Production : Charles BRACKETT, pour la Paramount.
- Distribution : CIC.
Distribution :
- Joe Gillis : William HOLDEN.
- Norma Desmond : Gloria SWANSON.
- Max von Mayerling : Erich von STROHEIM.
- Betty Schaeffer : Nancy OLSON (et, dans leurs propres rôles Cecil B De Mille, Hedda HOPPER, Buster KEATON, Anna Q NILSSON, HB WARNER.)
- Joueur de cartes : Buster KEATON.
- Lui-même : Cecil B DE MILLE.
- Elle-même : Hedda HOPPER.
- Lui-même : H. B WARNER.
- Elle-même : Anna Q. NILSSON.
4. Édition DVD zone 2
- Image : format 1.33 :1 - Le film a été remasterisé et la copie est excellente : un noir et blanc très contrasté proposant une belle profondeur de champ et une image parfaitement définie.
- Son : français et anglais Dolby Digital 2.0 Mono. Des sous-titres français et anglais sont proposés. Le son a été également restauré et propose des dialogues débarrassés de tout bruit parasite et parfaitement clairs.
- Suppléments : on trouve un commentaire du film fait par Ed Sikov, le biographe de Billy Wilder (auteur de On Sunset Boulevard : The life and Times of Billy Wilder) ; un film de 26’ sur le tournage, évidemment reconstitué, nous apprenant que le début du film, mal accueilli par les spectateurs, fut revu par Wilder. Le DVD nous en propose le scénario. Enfin des infos sont données sur la costumière et le compositeur. Une galerie de hotos complète l’ensemble.
- Jaquette : elle affiche les signes ostensibles de la réussite et de la gloire selon Hollywood et, plus généralement, le monde du spectacle ; c’est-à-dire l’immense escalier de la Renommée, la posture narcissique de la vedette et la robe à longue traîne...
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