1. Analyse
Un beau film, qui séduit immédiatement, ne serait-ce - dès l’abord - que par le choc des visages (on pourrait dire des trognes) peu ordinaires, judicieusement choisis et grimés avec un rare talent ; par une étonnante direction d’acteurs à la fois naturels, sobres et expressifs ; par la discrétion des trucages numériques ; par une remarquable conduite du récit et un intérêt toujours renouvelé né de péripéties qui ne sont jamais gratuites ; par la composition en deux parties, enfin.
Le film frappe, dans sa première partie, par l’épure de l’être humain, qui est présenté sous la plupart de ses facettes, et touche par son authentique humanité naturelle : violence et sadisme, malice et solidarité, amour et fidélité. A titre de second exemple, viennent à l’esprit les scènes montrant les enfants suivant la file de leurs parents asservis par leurs vainqueurs, puis définitivement séparés d’eux. Avait-on jamais eu l’idée de montrer avec pareille sensibilité, avec pareille dignité, avec pareille force, des enfants rescapés du massacre, désemparés, et l’impossibilité pour eux de s’arracher à leurs parents - c’est-à-dire à eux-mêmes ? C’est là l’une des séquences la plus originale et forte qui réduit à néant le faux argument d’un film qui serait seulement violent et, donc, condamnable : la violence fait partie de l’être humain, et, à l’évidence, le film de Gibson ne pratique aucune surenchère : il se contente d’en faire un constat sans doute assez proche de la réalité.
S’ensuit, dans la deuxième partie, un vrai film d’action construit sur l’une des plus belles poursuites du cinéma. On peut rappeler, à ce propos, Le dernier des mohicans Le dernier des Mohicans (1992) de Michael Mann ; on peut aussi y retrouver l’esprit du film de Raoul Walsh, Les Aventures du capitaine Wyatt (1951). D’autres moments très réussis concernent l’arrivée dans la Cité, grouillante, foisonnante, qu’un long panoramique latéral, de la gauche vers la droite, présente, de façon éminemment cohérente, sous toutes ses multiples activités, à notre grande surprise. Quelle reconstitution épatante et quel talent de part du réalisateur ! On ne peut qu’apprécier, de même, l’inattendue arrivée des Espagnols et la nouvelle signification qu’elle donne au film : on est alors saisi par cette vision – aux couleurs sombres - inquiétante, voire sinistre, de conquistadors immobiles dans leur barque, figés, surmontés d’une croix brandie haut. Malgré les horreurs précédentes, le pire semble être à venir…
Quant à la fin du film, il est vrai qu’elle n’est pas spécialement optimiste : l’indien et sa famille se tournent vers la forêt pour, dit-il, « repartir de rien ». Eternel recommencement… après l’apocalypse ! Sans doute faut-il y voir une préfiguration du destin des Indiens d’Amérique du Sud succédant à l’arrivée des envahisseurs espagnols et à l’anéantissement de leur civilisation : la forêt comme seul lieu de survivance pour les siècles à venir, loin de l’Histoire officielle - et des bourreaux à venir ! Il s’agit là d’une forme de cruauté qui, curieusement, n’a pas été relevée par les détracteurs du film de Mel Gibson...
2. Compléments
(1) Le propos de Mel Gibson, à travers Apocalypto, semble fort critique envers ceux qui visent à conquérir le territoire des autres, et la référence à l’actualité internationale des Etats-Unis est indéniable. On citera à ce propos cette déclaration du réalisateur en guise de réponse à ses détracteurs dénonçant la cruauté des sacrifices humains : « L’intervention en Irak provoquera notre perte. Envoyer des soldats au casse-pipe sans raison valable équivaut à faire des sacrifices humains. »
(2) Pourtant, on ne peut passer sous silence la citation mise en exergue au film de W. Durant (« Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle s’est détruite de l’intérieur. »). Elle semble justifier a posteriori les invasions ou les colonialismes, alors que bien d’autres raisons peuvent être évoquées, notamment l’état d’inachèvement d’une civilisation agressée par une autre, avant même qu’elle ne se soit définitivement constituée. Bref, le propos du film – pour ce qui est de ses interférences avec notre époque – manque de clarté.
(3) On notera - avec amusement – que si le héros échappe au sacrifice, c’est en raison d’une éclipse. Or, l’intervention de ce phénomène astronomique sauve le héros de bande dessinée, Tintin, dans Le temple du soleil (1949). Il faut tout de même préciser que l’éclipse est souvent utilisée dans le roman ou le film d’aventures.
3. Synopsis
Au temps de la civilisation maya, Patte de jaguar flanqué de son père, Ciel de silex, et de membres de sa tribu voient surgir, au cœur de la forêt, des hommes en fuite désemparés qui leur explique que leur territoire a été pillé par des envahisseurs.
La nuit suivante, réveillé en plein sommeil par un cauchemar, Patte de jaguar découvre des envahisseurs qui mettent le feu au village, massacrer ses habitants ou en faire leurs prisonniers. Patte de jaguar a tout juste le temps de mettre à l’abri sa femme enceinte, Sept, et leur jeune fils, Course de tortue, en les faisant descendre dans un puits à l’aide d’une liane.
Mais il est pris par les assaillants dirigés par leur chef Zéro loup et conduits avec les autres captifs vers la Cité maya où se déroulent des sacrifices humains en l’honneur du dieu Kukulkan. Echappant à la mort grâce à une circonstance exceptionnelle - une éclipse jette le trouble au cours de la cérémonie -, Patte de jaguar parvient à s’échapper et, dès lors, n’a de cesse que de retrouver les siens. Poursuivis sans relâche par les Mayas, il affronte maints dangers qu’il déjoue, et, après de nombreuses péripéties au cours desquelles il montre son courage et sa sagacité, il retrouve femme et enfant sains et saufs.
C’est alors qu’au moment de repartir dans la forêt pour rétablir son mode vie, ils découvrent un vaisseau mouillant dans la baie et une barque chargés d’hommes brandissant une croix, qui se dirigent vers le rivage…
4. Fiche technique
- Réalisateur : Mel Gibson
- Date : 2005
- Scénariste : Farhad Safinia
- Compositeur : James Horner
- Directeur de la Photographie : Dean Semler
- Scénariste : Mel Gibson
- Société de distribution : Quinta Communications
Distribution :
- Patte de jaguar : Rudy Youngblood
- Sept : Dalia Hernandez
- Emoussé : Jonathan Brewer
- Ciel de Silex : Morris Birdyellowhead
- Courses de tortues : Carlos Emilio Baez
- Nez Courbé : Amilcar Ramirez
- Feuille de cacao : Israel Rios
- Belle mère : Isabel Diaz
- Vieux sage : Esperidion Acosta Canche
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