Les Sciences biologiques

Intérêt
On entend communément aujourd'hui par « Sciences biologiques » l'étude de la vie (des organismes vivants) dans son fonctionnement, depuis la molécule jusqu'aux écosystèmes.


Table des matières

1. Introduction


« La biologie a affaire à des individus qui existent et tendent à exister, c’est-à-dire à réaliser leurs capacités du mieux possible dans un environnement donné. «  (Goldstein)

Le mot « biologie » n'exprime pas la vie au sens d'existence - comme l'on dit « mener sa vie » - ni au sens moral – comme lorsque l'on parle de « conduire sa vie ». Ce qui intéresse le philosophe, ici, ce n'est pas le sens existentiel, c'est à-dire le sens vécu et le sens moral. Au sens très large, la biologie est l'étude de la vie. Le terme est récent puisqu'il est employé par Lamarck (1744-1829) au XIXème siècle. La vie se manifeste à travers un organisme formé de différents constituants qui ne sont pas juxtaposés mais intégrés dans une organisation vitale. Ces constituants expriment les organes qui n'ont d'existence que pour le tout. L'organe a une ou plusieurs fonctions dont le concours constitue la vie de l'organisme. Ce dernier est une totalité. Et la question se pose de savoir comment étudier une totalité. Jusqu'à présent, la raison procède d'une manière analytique : pour exprimer une chose, elle la décompose en ses éléments - Cf. la règle de Descartes (1596-1650) : diviser la difficulté en autant de parcelles qu'il, se peut. Cela suppose que la chose soit stable et que les éléments qui la composent soient identiques au cours de l'analyse. Le succès de la raison suppose l'immuabilité des choses. Mais que ces choses deviennent et la raison est en difficulté. Or, l'être vivant est non seulement une totalité, qui à la rigueur peut être détruite, mais qui devient.


2. Les caractères de l'être vivant


Avec l'être vivant, le tout est la condition des parties. Ceci nous permet de remarquer que tout être vivant suppose une unité interne (les parties disparaissent lorsque le tout dépérit). Dès lors, une remarque s'impose : cette individualité exprimée par l'unité interne n'est pas générale. En effet, dans le domaine végétal, la bouture représente une partie qui donne une totalité.

D'autre part, l'être vivant illustre une formule d'organisation qui est propre à chaque espèce (par exemple, la température spécifique de chaque espèce).

En outre, le vivant présente le phénomène de la nutrition et de la régénération. Il assimile la matière brute à sa propre substance et, par cicatrisation, il peut reconstituer les tissus détruits.

Enfin, la propriété essentielle de la vie est la reproduction qui n’a aucun équivalent connu dans la matière. La reproduction, hormis le cas de la parthénogenèse, a sa raison d’être dans l’acte sexuel : « L’exercice de ses fonctions sexuelles pose à l’homme des problèmes plus troublants que la suite infinie des nombres entiers. Tous les problèmes biologiques à partir de cela sont des problèmes grevés de surdétermination affective. » Canguilhem (1904-1995)

Ces différents caractères nous permettent de penser, comme Claude Bernard (1813-1878), que le vivant exprime « une idée directrice » qui l’amène à se conserver, à se développer et à se reproduire. Cette conservation se fait dans un milieu. La réalité individuelle de l’être vivant ne cesse donc pas à ses frontières épidermiques et ne commence pas à la cellule ; elle entretient un rapport fonctionnel avec le milieu. D’origine mécanique, le terme de milieu est considéré comme ce qui explique le vivant : ainsi la lumière expliquerait-elle le phototropisme. Cette action du milieu sur le vivant se retrouve chez Auguste Comte (1798-1857) qui a failli adopter une conception dialectique des rapports entre l’organisme et le milieu comme « un conflit de puissances ». Ainsi pensait-il que « le système ambiant ne saurait modifier l’organisme sans que celui-ci, à son tour, n’exerce sur lui une influence correspondante. » Auguste Comte finit toutefois par poser mathématiquement le problème biologique : « Dans un milieu donné, un organe donné, trouver la fonction. »

Ce rapport est actuellement contesté. Goldstein affirme que l'une des propriétés du vivant de faire son milieu. L'être vivant adopte une conduite d'échec quand il est commandé par le milieu.


3. L'explication en biologie


L'explication de l'être vivant se poursuit au cours de l'histoire de la biologie, de l'observation fondée sur les sens et l'usage pratique des instruments à la recherche des éléments simples qui constituent l'organisme. Pourquoi enseigne-t-on l'anatomie avant la physiologie (l'anatomie est la science de la structure des êtres organisés. La physiologie est la science du mécanisme des fonctions.) sinon au nom d'un préjugé lié à la représentation statique de la nature ? On pense d'abord que pour voir apparaître une fonction, il faut une forme qui lui serve de substrat. On retrouve le préjugé mécaniste selon lequel le fonctionnement d'une machine dépend de sa structure. Cette représentation statique a pour conséquence la primauté de l'organe et, d'autre part, l'expérience sensible nous renseigne d'abord sur des formes., c'est-à-dire sur des organes.

L’anatomie est donc première dans l’histoire de la biologie. Le naturaliste a besoin de préparer le terrain, de le poser pour permettre le déroulement du drame physiologique. Auguste Comte précise ces deux aspects. L’anatomie constitue le schéma, le cadre, c’est-à-dire l’état statique dans lequel vient se développer la physiologie, c’est-à-dire l’état dynamique : « Personne ne contestera qu’il soit indispensable de connaître la structure d’un organe avant d’en étudier le jeu. » Le point de vue anatomique tend à montrer que la connaissance biologique doit découler de l’examen « de la disposition des organes. » L’examen de l’organe doit nous révéler sa fonction. Mais l’observation n’est pas innocente puisque nous observons à partir d’une culture et d’une pratique. Descartes (1596-1650) et Baglivi (1668-1707) disent que l’estomac a pour fonction « la cuisson digestive » parce qu’il a la forme de la cornue d’un alambic !

Par la suite, le naturaliste fait intervenir le scalpel et le microscope : il ne convient plus alors d'examiner la disparition des organes, mais de les disséquer. Et, dès lors, on pense que la fonction ne découle plus de la forme de l'organe mais qu'elle est la conséquence des propriétés des tissus.

Enfin, l'anatomiste a pensé que l'explication de l'organisme résidait dans l'élément anatomique le plus simple, à savoir la cellule. Or, le biologiste se trouve dans l'impasse car la réalité anatomique la plus simple est en même temps la réalité biologique la plus complexe. La fonction se substitue à la forme à la fin du XVIIIème siècle. Les problèmes ne sont plus posés par la configuration de l'organe. On est amené à penser que la forme n'explique pas la fonction ; mais on remarque que la compréhension de la forme explique la culture de l'homme. Aussi, avec la physiologie qui examine l'organisme dans une perspective dynamique, apparaît l'expérimentation et non la dissection. Le biologiste pose des problèmes à l'être vivant. Et, par exemple, il ne convient plus, comme le remarque Claude Bernard (1813-1878), de se demander à quoi sert le foie mais où passe le sucre en excès dans le sang.

Toutefois l'expérimentation est délicate. Dans la mesure où tout individu tend à subsister d'une manière qui lui est propre, il est difficile de généraliser les résultats obtenus à partir d'un être vivant témoin. L'expérimentation doit tenir compte de la spécificité de l'espèce. Les espèces ont, en effet, des réponses particulières. Les lois de Pflüger (1829-1910) sur l'extension des réflexes ne sont pas aussi générales qu'on a pu le dire. Ainsi la 2ème loi (symétrie bilatérale) est valable pour des animaux dont la démarche est sautillante, mais elle est fausse quand il s'agit d'animaux dont la démarche est diagonale comme le chat. D'autre part, à l'intérieur d'une même espèce, les réponses diffèrent : ainsi la caféine n'a-t-elle aucun effet sur le muscle strié de la grenouille verte alors qu'elle agit si le muscle est en partie détruit ; et l'effet est immédiat sur le muscle de la grenouille rousse. Par ailleurs, il est difficile d'opérer une généralisation de l'animal à l'homme car les processus sont parfois différents : on remarque, par exemple, trois stades de réparation des fractures osseuses chez l'animal (conjonctif, cartilagineux et osseux) ; or, la chirurgie moderne a pu montrer qu'il n'en existe que deux chez l'homme (absence du stade cartilagineux). Aussi l'expérimentation doit-elle tenir compte du problème de l'individuation. La difficulté est de trouver, dans une espèce donnée, des représentants susceptibles de supporter des épreuves d'addition (greffes d'un tissu) ou de soustraction (ablation d'un organe) et qui puissent être comparées à un représentant témoin. L'expérimentation soulève enfin d'autres questions : un organisme mutilé peut-il être comparé à un organisme intact ? L'intervention de l'expérimentateur n'altère-t-elle complètement l'organisme au point de changer complètement ses réponses ?


4. La notion d'évolution


Auguste Comte (1798-1857) élabore une théorie biologique du milieu. C’est «non seulement le fluide dans lequel un corps se trouve plongé mais l’ensemble total des circonstances extérieures nécessaires à l’existence de chaque organisme. » Ainsi sa conception du milieu est-elle un aspect du projet fondamental de la philosophie positiviste : « connaître le monde, ensuite l’homme et aller logiquement du monde à l’homme. »

Cette importance du monde comme ensemble extérieur se rencontre aussi chez Lamarck (1744-1829). Cependant il ne s'agit pas d'un milieu qui détermine simplement l'organe. On y trouve l'esquisse d'un conflit entre les exigences du besoin et les modifications des circonstances extérieures. Les changements de celles-ci provoquent des changements dans les besoins, lesquels produisent des changements dans les actions. Si ces actions se répètent, elles provoquent le développement de certains organes et d'autres organes devenus inutiles tendent à disparaître. Et ces acquisitions ou ces pertes ne se transmettent toutefois par hérédité que si elles sont communes aux deux reproducteurs. La théorie de Lamarck met en valeur une loi de l'adaptation et une loi de l'hérédité des caractères acquis. Nous remarquons que l'organisme est dans un milieu désolant, indifférent, et que l'adaptation est un effort de l'organisme pour subsister dans son milieu. C'est, aussi, un rapport entre la nature et la réalité vivante. Or, n'y a-t-il pas également un rapport entre les réalités vivantes ?

C’est ce dernier rapport que souligne précisément Darwin (1809-1882). En effet, écrit-il, « Les naturalistes se réfèrent continuellement aux conditions extérieures tels que le climat, la nourriture comme aux seules causes possibles de variation. Ils n’ont raison que dans un sens limité. » Darwin voit le rapport biologique fondamental dans les relations entre les vivants. Pour lui, le rapport d’un organisme à d’autres organismes vivants est plus essentiel que le rapport entre cet organisme et son milieu physique. Le premier milieu n’est donc pas le milieu physique, mais l’entourage animal dans lequel s’opère la sélection. Entre les organismes s’établissent des relations de destruction, de défense ou encore d’utilisation.

Il faut toutefois souligner la complémentarité de ces deux théories : Lamarck pense la vie selon la durée alors que Darwin l'envisage selon l'inter-dépendance.


5. La notion de finalité


La cause explique l'apparition d'un phénomène : elle est l'antécédent constant qui explique un phénomène comme étant un conséquent. Cependant les manifestations de l'activité biologique relèvent-elles dans leur ensemble du principe de causalité ? Pourquoi les anguilles vont-elles frayer dans la mer des sargasses ? Le passage de l'eau douce à l'eau de mer peur recevoir une explication causaliste : le poisson d'eau douce présente dans son sang une concentration en matière minérale beaucoup plus élevée que celle de l'eau qui l'entoure et cette concentration est obtenue par la nourriture. Au moment de sa maturité sexuelle, l'anguille cesse de manger. Aussi est-elle physiologiquement obligée de trouver un milieu plus salé que l'eau douce. Parmi tous les milieux salés, pourquoi choisit-elle la mer des Sargasses ? Parce qu'elle est plus riche en plancton. Comment le sait-elle ? Ceci pose le problème de la finalité.

La notion de finalité renverse l'ordre causal, à savoir que l'explication finaliste ne rend pas compte d'un effet par ce qui le précède logiquement ou, parfois, chronologiquement. Bien au contraire, l'effet a sa cause dans ce qui suit. Ainsi la structure de l'œil est-elle adaptée à la vision. Mais ne peut-on pas dire que c'est la vision qui justifie la structure de l'œil ? Certes, l'organe permet la fonction, mais la fonction n'explique pas l'organe. Kant (1724-1804) distinguait deux sortes de finalité : l'une dite externe (les moutons portent la laine pour faire des vêtements tissés) ; l'autre dite interne (l'œil est fait pour voir). Actuellement, on admet la finalité interne. Mais Bergson (1859-1941) pense qu'elle est à la fois interne et externe. En effet, si la fin est l'adaptation de la partie au tout, ce tout qui représente une totalité est, en fait, une partie par rapport à une autre totalité qui, à la fin, est l'univers. Comme le souligne Leibniz (1646-1716), la conciliation de ces différentes parties ne peut se faire que dans la considération d'un dieu. La finalité serait alors l'empreinte de dieu sur son ouvrage.



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Droits d'auteur © Sophie LAUZON






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