29 mai 2005

Intérêt
Le « non » du 29/05 ouvre un nouveau chapitre de l'histoire politique en France, celui de la fin d'une Europe qui se construit avec la France sans l'aval du peuple français.

Il est l'événement qui, par excellence, met au jour une nouvelle fois la rupture entre le peuple et certaines de ses « élites », fussent-elles de gauche ou de droite. Mais surtout, à travers le refus d'une grande partie des électeurs d'accorder une nouvelle fois leur confiance à leurs « représentants » en titre, c'est à une orientation majeure de toutes les politiques confondues depuis 1974 que les partisans du non ont délibérément tourné le dos hier soir.

À ceux qui présentent ce résultat comme le dernier symptôme d'une maladie affectant la société française, il est souhaitable de répondre que le remède doit être cherché dans les causes de la maladie. Quelles sont-elles ?

Si l'on regarde de près, le fossé qui sépare les partisans du non et ceux du oui existait, de fait, avant que la question du Traité ne soit posée. Pourtant, la simple condamnation des pouvoirs en place, seule justification du non aux yeux de certains, ne suffit pas à l'expliquer. Ce fossé dépasse les clivages politiques préexistants (et non, ce n'est pas un signe d'irresponsabilité que d'accepter que le non soit pluriel, mais le jeu de la démocratie). Il dépasse également les clivages sociaux (s'il s'ancre, non dans le populisme, mais dans la souffrance bien réelle de certaines catégories sociales, ce n'est nullement un critère qui peut ou qui doit le dévaloriser). Il rapproche même des générations entre elles (celles de la France d'avant le choc pétrolier et celles qui entrent aujourd'hui dans l'âge adulte). Une quelconque « peur », si souvent mise en avant lors de la campagne pour le oui, ou un « refus de l'Europe » n'en sont pas non plus les raisons.

En revanche, il est évident que la volonté de refuser le Traité s'appuie sur un sentiment d'échec partagé, sentiment qu'elle dépasse en voulant y remédier.

Ce qui a été mis en cause hier par le résultat du référendum, c'est la dilapidation et la dispersion de notre « bien commun », au sens large, c'est-à-dire d'un ensemble d'idées et de valeurs, d'équilibres et d'héritages, sociaux et économiques dont l'agrégation fonde aujourd'hui le sentiment d'appartenir à une société, à un État communs.

L'égalité et la fraternité sont placées au même niveau que la liberté dans la devise de notre pays ; le plein emploi est un droit pour tous et sa responsabilité est collective ; en principe, les services publics ne sont pas soumis aux contraintes économiques, mais doivent au contraire transcender ces dernières ; l'indépendance – militaire, énergétique ou politique – de la France protège ces principes ; etc.

Cette "res publica" demeure encore, n'en déplaise à certains, le régime politique que nous voulons et il importe de le rappeler à l'heure où les termes de « démocratie » et de « liberté » dominent les discours, bien qu'il soient insuffisants à décrire ce qui importe en république.

Aussi, la seule affirmation du « libéralisme » – dans lequel la force économique constitue, sous couvert de liberté, le seul pouvoir suprême – en tant que principe fondateur d'une constitution européenne est inacceptable, car elle constitue une régression eût égard au régime politique sous lequel nous vivons. Cette affirmation a donc tout naturellement été rejetée par la majorité.

Parmi les nombreuses raisons au refus du traité, celle-ci n'a pas été entendue avant la date du référendum : pourtant, il suffisait de lire ou d'entendre pour comprendre. Il apparaît clairement qu'elle n'est pas d'avantage prise en compte aujourd'hui, du moins au vu de la plupart des réactions des politiques partisans du oui, relayées par les médias à leur service.

Selon une majorité des politiques, des médias et des forces économiques du pays il est flagrant que le vote d'hier fut une erreur qu'il va falloir payer. Cette démonstration d'un mépris, diffus mais bien réel, pour les idées de leurs concitoyens ne laisse pas augurer de l'inflexion attendue – et maintes fois promise – vers un discours et vers une politique non libéraux et respectueux de la République.

D’autres « non » seront donc nécessaires, à moins que l’analyse de Simon Marty pour Marianne-en-ligne[1] (« Autrefois, l’on coupait les têtes. Aujourd’hui, l’on décapite virtuellement, par bulletin interposé [...] ») ne trouve, à l’avenir, un sombre démenti dans les conséquences de l’incompréhension avérée de nos « représentants » ...



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