PHILOSOPHIE : Quels rapports entretiennent la mémoire et la perception ?

Intérêt
Dans la mesure où la conscience est à la fois perception du présent et mémoire du passé, la question des rapports entre la mémoire et la perception se pose donc.


INTRODUCTION

La conscience constitue l'unité de la perception et de la mémoire. Selon les circonstances, elle est attention à la vie, et elle perçoit alors le monde actuel comme une menace ou une aide. Ou bien, distraite ou désintéressée, elle éprouve la nostalgie et se souvient. Ainsi le sujet qui perçoit est-il aussi celui qui se rappelle. Cependant les deux attitudes semblent s'exclure : la perception est dans le présent et relative à l'espace alors que la mémoire est liée au passé et relative au temps. Toutefois le sujet se souvient mieux de ce qu'il a bien perçu et il perçoit surtout ce qu'il connaît bien. Il faut donc penser que mémoire et perception s'impliquent. Cependant, si la mémoire accompagne la perception et si la perception éveille la mémoire, n'est-ce pas au détriment de l'une et de l'autre ?

Perception et mémoire s’excluent

Le sujet qui perçoit s'oublie, plus ou moins, dans ce qu'il perçoit. Fasciné par l'objet perçu, il fait en quelque sorte abstraction de lui-même. L'objet s'impose, en effet, comme un donné qui tend à faire disparaître la construction mentale. Comme le soulignent les Gestaltistes, il est d'autant plus prégnant que sa forme est meilleure.

De son côté, le sujet qui se souvient finit par percevoir vaguement le milieu ambiant.au moment où il se retrouve dans la durée. Son histoire retrouvée a pour contrepartie la perte du monde actuel des objets. Marcel Proust (1871-1922) perçoit vaguement la madeleine au moment où sa saveur lui fait retrouver le temps perdu. Autrement dit, par la perception l'objet est retrouvé ; par la mémoire, le sujet se retrouve. Par ailleurs, la mémoire, en visant le passé en tant que passé, tend à nous détacher du monde actuel. Par exemple, Chateaubriand (1768-1848) entend une grive et oublie les événements qui secouent alors la France. La perception, au contraire, en nous mettant en contact avec le monde, nous conduit à nous y adapter ou à le transformer.

Enfin, percevoir, c’est posséder : l’objet se donne par sa forme et je le vise en le percevant. Il est la marque de mon pouvoir. Et, comme le souligne Jules Lagneau (1851-1894), : « L’espace est la marque de ma puissance. » Alors que se souvenir, c’est évoquer. Mais l’évocation du sujet par lui-même est une reconstruction où la réalité passée est manquée. Si Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) évoque avec émotion sa jeunesse vagabonde, c’est parce qu’il a réussi, alors que le vagabond resté vagabond, cherche bien plutôt à oublier ces années. Ce sont, en général, ceux qui ont réussi qui écrivent leurs souvenirs de jeunesse.

Cependant, pouvons-nous dire que la mémoire est uniquement poésie ? N'aide-t-elle pas la perception à être une science commençante ?

Mémoire et perception s’impliquent

La perception est déjà une connaissance sommaire en ce sens qu’elle est, comme le souligne Leibniz (1646-1716) , « l’unité d’une multiplicité. » Si la perception se manifeste par un pouvoir de synthèse, elle est aussi re-connaissance. Ainsi que le signalaient les intellectualistes, percevoir, c’est juger. Or, nous jugeons en fonction de connaissances acquises qui mettent en œuvre un passé propre à informer autant qu’à former le sujet percevant. D’autre part, l’état présent d’une perception est une suite de perceptions passées. La perception isolée dans l’instant n’est rien. En effet, ce que la perception me fait connaître, c’est ce que j’ai connu. Un objet perçu est accompagné de souvenirs : percevoir la campagne au printemps, c’est percevoir le développement de la vie, la promesse des fleurs, la maturité de l’été tel que le sujet s’en souvient. Ainsi le sens des objets est-il l’œuvre du souvenir. Autrement dit, la perception est une activité culturelle. Le sujet percevant n’est pas réduit à l’instant. : il est présence d’une histoire que la mémoire ne cesse de rappeler au niveau de la perception.

La personnalité active unifie mémoire et perception

La personnalité est située dans le monde. Elle est amenée à percevoir les différents aspects de la situation. Elle projette d'être dans le monde et son projet profite des enseignements du passé. La mémoire est alors au service de la personnalité en lui donnant les souvenirs qui facilitent son projet.

De même, la perception est subordonnée à la personnalité en ce sens qu'elle est fonction des intentions de la personnalité et elle perçoit du monde ce qui va dans le sens de ses préoccupations. D'autre part, le poète ne perçoit pas le monde comme l'agriculteur ou le savant. De même, elle se remémore les souvenirs qui facilitent sa réalisation.

Ainsi mémoire et perception s'impliquent-elles quand le sujet agit. A l'inverse, elles semblent s'exclure quand le sujet cesse de faire pour s'adonner à la rêverie ou au divertissement.




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Droits d'auteur © Sophie LAUZON



 
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